Carnets de l'Economie

Revisiter l'action économique de l'État




La Rédaction
22/11/2012

Dans le contexte de mondialisation actuel, où l'évolution se fait parallèlement aux innovations technologiques, la question de l'intervention étatique est remise au goût du jour. Philippe Aghion et Alexandra Roulet proposent un ouvrage qui revisite la manière de concevoir l'action économique de l'état, et donne de nouvelles pistes à travers quatre grands domaines d’intervention : l’investissement dans la santé et l’éducation, l’intégration des immigrés, l’aide aux PME, et la sécurisation de l’emploi, des entreprises, et de l’état.


Santé et éducation au cœur de la croissance

Revisiter l'action économique de l'État
Philippe Aghion et Alexandra Roulet mettent en évidence dans leur ouvrage qu'un investissement intelligent dans la santé et l'éducation serait un facteur essentiel à la croissance, dans la mesure où  le capital humain est au cœur de l'innovation. On sait bien qu'aujourd'hui l'innovation est un moteur pour l’économie, et c'est pour la stimuler que l'intervention étatique devrait être revisitée au niveau de l'éducation et de la santé. Il s'agit donc de se focaliser sur le capital humain pour améliorer ce dernier. Il s'avère que la France est en retard par rapport à de nombreux pays européens sur le plan de l'éducation, à savoir que ses universités manquent d'autonomie, tant en termes de finance que de pédagogie et de gestion des ressources humaines. Sans oublier que l'investissement dans l'enseignement primaire et secondaire est insuffisant, que la qualité de l'enseignement est en constante dégradation et que le nombre de professeurs diminue. Le recul des résultats obtenus par la France aux tests PISA, en est un indicateur, et prouve l’urgence qu’il y a à investir. En matière de santé, il s'agirait d'améliorer la répartition des ressources publiques. C'est ici que l'on parle d'investissement intelligent, car, le secteur de la santé coûte déjà très cher à l'état, et investir davantage ne serait pas une mince affaire. Cependant, on constate que la structure des dépenses de santé n'est pas équitable. Alors plutôt que d'allouer davantage de ressources au secteur de la santé, il suffirait par exemple, d'augmenter la proportion de médicaments génériques, de donner priorité aux investissements dans le personnel médical, et pourquoi pas, décentraliser le système de santé, comme c’est déjà le cas en Suède.

L'intégration des immigrés, au secours du vieillissement

Sachant que d'ici 2040 la population des plus de 60 ans devrait presque doubler, l'augmentation du flux migratoire permettrait de compenser la charge financière que représente le vieillissement de la population. Cela serait possible grâce à l’augmentation de la population active. Le ratio de dépendance ne s’en trouverait pas réduit, mais la démarche aurait globalement un effet positif. Philippe Aghion et Alexandra Roulet avancent ici un point de vue qui contredit beaucoup d'experts, mais soulignent qu'une telle politique peut véritablement être viable sous certaines conditions. Tout d’abord, il faudrait investir dans la capacité d'accueil des immigrés, ce qui comprend la formation des enfants tout autant que des parents. Ensuite, le travail au noir devrait être plus sévèrement puni, tout comme les discriminations à l'embauche. Enfin, il faudrait davantage être attentif au bon respect de la loi SRU de 2000. Cette dernière impose un seuil de logements sociaux pour éviter le développement de ghettos. Toutes ces interventions de l'état admettraient une meilleure intégration des populations immigrées. En considérant que la proportion de jeunes est très importante dans les flux migratoires, il faudrait faire passer les flux nets, de 100.000 à 200.000 personnes par an. Soit le double, ce qui correspond à  peu près, à l’augmentation de la population des plus de soixante ans.

Favoriser l'innovation par secteur pour aider les PME

Les PME, de par leur nombre, détiennent un capital humain à fort potentiel. De plus, les petites et moyennes entreprises font preuve d'une forte capacité d'innovation, mais elles éprouvent beaucoup de difficultés à trouver des fonds pour investir. L'état, en tant qu'investisseur, a donc un important rôle à jouer auprès des PME, à qui il faudrait par exemple, réserver des parts de marché public et faciliter les démarches pour obtenir des crédits d’impôt. Pour rendre cela possible, l'état doit revoir sa politique d'investissement sur un champ plus large que des groupes d'entreprises. En effet, et la crise l’a bien mis en évidence, c'est au secteur industriel tout entier qu'il faut consacrer la majeure partie des ressources, car c'est dans ce secteur, toutes entreprises confondues, incluant les PME, que les innovations jouent un rôle primordial. Et pour que les politiques d'investissement de l'état soient plus efficaces, la décentralisation de la décision au niveau régional serait un facteur clé. L'Allemagne applique déjà ce principe de décentralisation des décisions, et force est de constater l'efficience de cette politique. En effet,  dans le domaine industriel, l'Allemagne n'a rien à envier aux autres pays européens. Cette décentralisation admettrait une meilleure gestion des investissements par secteur, ce qui favoriserait le développement des PME innovantes et donc l’innovation à l’échelle nationale. Il subsiste cependant un autre axe important d’intervention économique pour l’état : la sécurité des parcours professionnels.

Plus de "flexisécurité "

Le modèle scandinave, qui se base sur un principe de "flexisécurité ", est abordé dans l'ouvrage de Philippe Aghion et Alexandra Roulet, comme un exemple à suivre. Il s'agit d'améliorer la sécurité des parcours professionnels en adoptant un ensemble de mesures, selon un concept de démocratie sociale. En d'autres termes, il faudrait pallier les nouveaux risques du contexte économique actuel, en protégeant les travailleurs contre l'insécurité de l'emploi, contre les risques environnementaux qui menacent à la fois les états et les travailleurs, mais aussi en protégeant les entreprises des fluctuations économiques. Une démocratie sociale qui pourrait prendre forme, en donnant par exemple aux délégués syndicaux, la capacité d’évoluer dans un cadre non discriminant. D'autre part, la présence systématique d'un représentant salarié dans les conseils d'administration devrait être imposée sous certaines conditions. Toutes ces pistes de "flexisécurité " que proposent Philippe Aghion et Alexandra Roulet dans leur ouvrage permettraient de stimuler et d'accompagner l'innovation, et donc la croissance.










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