Carnets de l'Economie

Transports : roulerons-nous plus vert grâce aux autoroutes bas carbone ?




La Rédaction
23/06/2021

Le secteur des transports est souvent pointé du doigt pour son impact néfaste sur l’environnement. Face à ce défi, aux quatre coins de la France, des autoroutes sont en train de faire peau neuve avec un objectif principal : réduire radicalement leur empreinte carbone. Tour de France des initiatives.


Illustration : Commons Wikimedia, Chabe01
Illustration : Commons Wikimedia, Chabe01
Accusé, levez-vous. En France comme partout dans le monde, le secteur des transports détient de tristes records. Ennemi écologique nº1, il serait responsable de 33% des émissions de CO2 de l’Hexagone. L’édition 2019 du Rapport sur l’environnement précise l’origine des émissions de gaz à effet de serre  (GES) : « Depuis 1990, les GES des transports ont augmenté de 13%. Elles sont stables depuis 2010, l’amélioration de la performance environnementale des véhicules ne compensant pas l’augmentation de la circulation. Les émissions liées à la circulation routière incombent à hauteur de 56% aux véhicules particuliers, de 23% aux poids lourds et de 21% aux véhicules utilitaires légers. » À eux seuls, les déplacements sur autoroute représentent 20% de ces émissions de CO2, soit 6 % du total des émissions françaises. Le tableau noir est dressé.
 
Pourtant, d’autres indicateurs incitent à l’optimisme comme la baisse continue des émissions de polluants par le secteur du transport routier de marchandises depuis 25 ans, mais surtout la révolution en cours chez les opérateurs autoroutiers, à la fois dans le type d’infrastructures et dans leurs méthodes de construction. Cette révolution porte un nom : les autoroutes bas carbone.
 
L’autoroute bas carbone, une vraie (r)évolution
 
Qu’est-ce que l’autoroute bas carbone ? Il s’agit « simplement » de l’adaptation du réseau autoroutier aux nouveaux modes de transport, afin d’atteindre l’objectif du « zéro émission » en 2050. Cela s’articule principalement autour de trois axes : l’aménagement des infrastructures aux mobilités vertes, l’amélioration de la fluidité du trafic et de nouvelles méthodes de construction moins énergivores. « L’idée est simple, lance Pierre Coppey, PDG de Vinci Autoroutes. En transformant l’infrastructure autoroutière avec des aménagements et des équipements ciblés, on crée les conditions du déploiement de mobilités plus efficientes, plus collectives, plus propres. L’autoroute constitue un terrain propice au développement de toutes les formes d’éco-mobilités. » Lors du 1er Global cities makers Forum en 2019, Arnaud Quémard, directeur général de l’opérateur autoroutier Sanef, allait dans le même sens : « Nous devons investir pour faciliter le transfert vers des moyens de transport collectifs et faciliter les usages vertueux de l’automobile (voies dédiées aux bus express, au covoiturage, etc.) » Tout le monde est aujourd’hui dans le même bateau.
 
Ces solutions « ecofriendly » sont nombreuses : installation de parkings pour favoriser le covoiturage, péages intelligents, multiplication des bornes de recharge pour véhicules électriques… Les SCA (sociétés concessionnaires d’autoroutes) sont également en pointe sur les méthodes de fabrication des revêtements des chaussées. Tous les opérateurs poursuivent le même but. « L’enjeu est que nous soyons tous mobilisés pour réduire notre propre empreinte carbone, tout en aidant nos clients à réduire la leur au travers de solutions adaptées, explique Benoît de Ruffray, PDG d’Eiffage, 2e opérateur français via ses filiales APRR et AREA. Dans un contexte où le dérèglement climatique est devenu une réalité, où la ville et les infrastructures durables et résilientes sont recherchées partout dans le monde, Eiffage fait de la construction bas carbone une opportunité pour faire la différence. »
 
Parmi ces « solutions adaptées », les opérateurs misent beaucoup sur le recyclage comme chez Eurovia qui a réalisé le premier kilomètre 100% recyclé au monde en 2018, sur l’autoroute A10 pour le compte de Vinci Autoroutes : « Au lieu, comme il est d’usage, de produire des enrobés vierges provenant de carrières, nous innovons en récupérant l’enrobé usagé issu du rabotage des routes et en le recyclant. On obtient ce que l’on appelle des “agrégats d’enrobés”, qui peuvent dès lors être utilisés dans la construction et l’entretien des chaussées. Comme cette “usine à recycler” est mobile, elle peut être déployée sur de grands chantiers d’entretien (autoroutes ou routes nationales) où sont concentrés d’importants gisements d’enrobés. »
 
Chez l’opérateur Sanef, on mise particulièrement sur la fluidification du trafic, avec les premiers péages 100% sans barrière, comme sur l’A4 à Boulay. « C’est un dispositif pilote, explique Marie Guilhamon-Paille, directrice marketing et expérience client. Nous avons longuement travaillé avec l’État et le retour d’expérience permettra de pousser plus loin les réflexions afin, pourquoi pas, d’avoir d’autres points de péage sans barrière sur le réseau. Nous sommes très motivés pour ce développement. » Une recherche de fluidification qui pourrait faire des petits comme sur l’A13 jusqu’à Caen, selon Arnaud Quémard : « L’idée est que les utilisateurs payent leur péage, non pas en s’arrêtant tout le temps, mais en roulant à 130km/h. Cela permettra de garantir la fluidité du trafic, soit 2,1 millions d’heures de conduite économisées. C’est un projet écologique : sur une année, le fait de s’arrêter et de repartir d’un péage est l’équivalent de la consommation annuelle de 11000 véhicules. » Dans le combat écologique mené par les SCA, ce n’est pas rien.
 
De l’Occitanie à la région PACA, des autoroutes déjà plus vertes
 
Sur le terrain, la bataille s’organise donc, et certaines collectivités locales sont en tête de pont dans cette recherche du « zéro carbone ». C’est le cas de deux régions du sud de la France, l’Occitanie et la Provence Alpes Côte d’Azur. Renaud Muselier, le président de la région PACA, ne cache pas sa fierté d’être en pointe dans le combat climatique  : « À travers notre Plan Climat régional, nous mettons en place des actions concrètes pour atteindre une neutralité carbone à l’horizon 2050 et donner à notre région une “COP d’avance”. Notre convention de partenariat avec Vinci Autoroutes, c’est la promesse d’améliorer les conditions de mobilité de nos habitants. Nous sommes un territoire moteur en matière de lutte contre le changement climatique et notre priorité est de nous engager pour développer des projets respectueux de l’environnement et de la santé des habitants du territoire. » Au menu donc : densification des bornes de recharge électrique, adaptation des infrastructures de distribution (hydrogène, biogaz), développement de solutions multimodales et partagées, valorisation des déchets…
 
Tendance identique dans la région présidée par Carole Delga, l’Occitanie, où le même opérateur aura investi, entre 2015 et 2025, quelque 1,7 milliard d’euros dans les infrastructures plus vertes. Dans le détail, cela se traduit sur le terrain par de nouvelles aires de services sur l’A61 et l’A62, l’élargissement de certains tronçons pour supprimer des points récurrents de congestion du trafic… D’autres projets sont à l’étude pour le contournement de Montpellier ou de Castres. « Notre ambition est d’inventer l’autoroute du XXIe siècle, poursuit Pierre Coppey. Et de même que l’autoroute est en train de s’ouvrir aux mobilités vertes, de même elle pourra accueillir demain les véhicules totalement autonomes et connectés, qui marqueront la prochaine révolution des mobilités. Nous travaillons dès à présent avec les constructeurs automobiles français pour préparer cette prochaine étape. »
 
Quid de la prochaine étape ?
 
Elle se joue en réalité dès à présent, dans les laboratoires de recherche et développement des sociétés autoroutières. De nouveaux revêtements sont par exemple en train de voir le jour. En 2020, Eiffage Routes a été primé pour deux matériaux écologiques inédits, baptisés BioKrom et BioErtalh, conçus à partir de matières végétales ou de cendres de biomasse valorisées. Via APRR, Eiffage est également en train d’expérimenter, depuis octobre dernier, le revêtement BioPhalt sur l’A40 entre Mâcon et Genève : « Cette démarche innovante est une première sur une section d’autoroute en France, note APRR. Cette expérimentation permet non seulement de réduire significativement les impacts environnementaux de ce chantier d’enrobés mais surtout d’obtenir un bilan carbone neutre. » Pour aller plus loin même, Eurovia est quant à elle en train de plancher sur la route de demain, la route à énergie positive qui permettra aux véhicules électriques de se recharger tout en roulant. Chez Vinci Autoroutes, on travaille même sur les autoroutes du futur, entre véhicules autonomes et intelligence artificielle. La route bas carbone arrive à grande vitesse.
 
 
 










Décideurs

Nvidia rejoint le Dow Jones, Intel le quitte

Voiture électrique : BMW commence à critiquer le projet de l’UE

Google condamné pour son monopole sur les recherches Internet

Crédit Mutuel : Daniel Baal prend les rênes du groupe