Contrairement à une idée bien ancrée, les tarifs des péages sont entérinés non pas par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, mais par l’État. En effet, si la plupart des autoroutes françaises sont aujourd’hui gérées par des sociétés de droit privé, l’État – toujours propriétaire des autoroutes – a fait en sorte de garder la main sur le prix des péages et sur le niveau d’investissement des sociétés concessionnaires.
C’est la même ritournelle chaque année : en janvier, les journaux télévisés égrènent les différentes hausses de tarifs à attendre au cours des semaines suivantes. Electricité, gaz, cigarettes, péages… Comme chaque année, les automobilistes ont attendu la douloureuse avec anxiété. Ce 1er février, ce sont les tarifs des autoroutes qui ont augmenté en moyenne de 2 %, en ligne avec une inflation qui a grimpé de 2,8 % sur un an. Et comme chaque année, une partie de la classe politique reproche aux sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) de faire grimper le prix du ticket de péage.
Une quasi-stabilité des tarifs en 2021
Les trois grands opérateurs – Vinci, Eiffage et Abertis – sont souvent accusés à tort de faire mal au portefeuille des automobilistes. Les politiques ne sont pas avares dans ce sens. A gauche comme à droite, l’idée d’une nationalisation des autoroutes séduit plusieurs candidats à la présidentielle. De Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Yannick Jadot, ces trois figures assurent qu’une « nationalisation » des autoroutes serait souhaitable. Si cet argument est quelque peu démagogique, il fait souvent mouche auprès l’opinion publique. Il est pourtant fallacieux. Car les sociétés autoroutières ne font qu’appliquer la loi et les clauses de leurs contrats signés au début des années 2000 : les hausses de tarifs sont bien du ressort de l’Etat français, hausses supervisées par l’ART (Autorité de régulation des transports). « Les sociétés d’autoroutes sont informées de la publication par les services de l’Etat, dans le cadre du comité des usagers du réseau routier national, des hausses de tarifs résultant de l'application de l'inflation de référence aux lois contractuelles, explique l’ASFA (Association des sociétés françaises d'autoroutes). Le processus de consultation du comité des usagers du réseau routier national est un processus administratif interne à l'Etat, auquel (les sociétés d’autoroute) ne sont pas associées. »
Arnaud Quémard, président de l’ASFA et également PDG du réseau autoroutier Sanef, a été entendu sur ce sujet par la commission sénatoriale consacrée à la gestion des sociétés autoroutières, en juin 2020. « Les grilles tarifaires sont très contraintes et laissent très peu de place à la créativité, souligne Arnaud Quémard. Il existe malgré tout quelques modulations selon les tranches horaires sur certaines autoroutes. Il est aussi déjà arrivé que l’Etat nous impose une augmentation tarifaire inférieure de 30 % à ce que prévoyaient les contrats de concession. Mais nous ne nous plaignons pas car nos relations de travail avec le concédant sont bonnes même s’il a un pouvoir important sur nous. » Cela a par exemple été le cas – une hausse moins élevée que prévue – en 2019, avec une baisse de 30% décidée en faveur des routiers en plein conflit des Gilets jaunes. Les SCA font régulièrement des efforts financiers à l’image de Vinci Autoroutes qui vient d’annoncer le blocage des prix des péages de 80% des trajets de moins de 30km « pour préserver le pouvoir d'achat des automobilistes » et « favoriser les déplacements du quotidien, domicile-travail notamment ».
Comment se calculent les hausses de tarifs ?
L’évolution annuelle du prix des péages est calculée selon le décret nº95-81 du 24 janvier 1995, plafonnant une éventuelle hausse à 70% x l’inflation, avec une révision tous les cinq ans en cas d’investissements complémentaires non prévus initialement. « Le droit des sociétés concessionnaires à percevoir le péage en contrepartie de la construction, de l’extension, de l’entretien et de l’exploitation de leur réseau constitue le fondement du contrat de concession autoroutière, rappelle le ministère de la Transition écologique de Barbara Pompili. Le contrat de concession qui lie le concessionnaire et l’Etat, et plus particulièrement le cahier des charges qui lui est annexé, définit le cadre strict d’évolution des tarifs. » Des tarifs qui se décomposent ainsi, selon l’ASFA : sur un ticket de péage de 10 euros, 2,30 euros sont consacrés à la prolongation ou à la rénovation du réseau, 1,10 euro à son exploitation, 2,50 euros au remboursement de la dette (les SCA avaient effacé 30 milliards d’euros de dette de l’Etat en 2006 au début de leur contrat de concession), et enfin 4,10 euros en taxes diverses à destination du Trésor public. « Les bénéfices des sociétés d’autoroutes sont utilisés pour rembourser les emprunts liés à la construction, continuer à développer des services innovants et rémunérer leurs actionnaires de leurs investissements, détaille l’ASFA. Les sociétés d’autoroutes continuent d’investir pour l’amélioration du réseau autoroutier, qui reviendra en totalité à l’Etat à la fin des concessions. »
Les hausses entrant en vigueur chaque année au 1er février sont donc encadrées par les contrats signés en 2006 entre le concédant – l’Etat français – et les sociétés concessionnaires. Seize ans plus tard, aucun acteur ne déroge à cette règle, il n’y a donc pas de (mauvaise) surprise à attendre même si la hausse de 2 % en moyenne est plus forte qu’en 2021 (0,44%). Deux facteurs primordiaux entrent donc en ligne de compte dans ce calcul : la hausse de l’inflation et les investissements à venir annoncés par les SCA pour l’aménagement des tronçons existants ou pour les nouvelles infrastructures.
Les nouvelles infrastructures justement nécessitent des investissements massifs de la part de toutes ces sociétés concessionnaires qui sont lancées aujourd’hui dans une politique volontariste en faveur de l’environnement afin de faire chuter leur impact carbone. Lui aussi entendu par le Sénat, le PDG de Vinci Autoroutes Pierre Coppey analyse ainsi le rôle des sociétés concessionnaires : « Les concessions sont un outil d’investissement : 12,5 milliards d’euros ont été investis dans nos concessions depuis la privatisation pour construire des sections nouvelles, élargir les sections existantes, améliorer leur performance environnementale. Ces investissements étaient prévus dans nos contrats ou ont été ajoutés par des contrats de plan comme le paquet vert autoroutier, le plan de relance autoroutier et le plan d’investissement autoroutier. » Un an et demi plus tard, ce sont au total plus de 14 milliards qui ont été investis depuis 2006 par Vinci Autoroutes « pour le financement, la construction, l'entretien, la maintenance et la modernisation des réseaux dont il est gestionnaire pour le compte de l'État, ainsi que pour l'amélioration constante des services proposés aux usagers ». Des investissements conséquents et nécessaires au moment où l’on assiste à une accélération des installations dédiées à la mobilité verte.
Des tarifs très contrôlés
L’Etat français a confié le contrôle de la gestion des autoroutes à une instance indépendante, l’ART (Autorité de régulation des transports). Ainsi, l’ART veille au bon déroulement des opérations entre l’Etat et les sociétés concessionnaires : « Il entre dans les attributions de l’Autorité de régulation des transports d’éclairer l’avis du décideur public par un avis préalable sur tout projet d’avenant à un contrat de concession en cours, dès lors que celui-ci aurait un impact sur les tarifs (ou sur la durée de la concession). A cette occasion, l’ART veille à l’adéquation entre le montant des hausses envisagées et les coûts supplémentaires mis à la charge du concessionnaire. »
Le président de l’ART, Bernard Roman, a également précisé cette démarche de contrôle très stricte devant la commission sénatoriale : « La première mission de l'ART est la régulation des tarifs des péages. L’ART a la capacité d'exiger des sociétés concessionnaires des informations financières, techniques et économiques. Nous publions chaque année un document qui synthétise les comptes des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA), à la fois globalement et par société. Nous publierons également un rapport quinquennal qui permettra d'avoir une vision sur les tarifs des péages, qui représentent l'essentiel des recettes des SCA. » Le niveau des tarifs des autoroutes n’est donc pas laissé au hasard, ou à la simple discrétion des sociétés concessionnaires, régulièrement accusées de faire uniquement le jeu de leurs actionnaires. Et si la France peut se targuer de l’un des meilleurs réseaux autoroutiers au monde, ce n’est donc pas un hasard non plus.
C’est la même ritournelle chaque année : en janvier, les journaux télévisés égrènent les différentes hausses de tarifs à attendre au cours des semaines suivantes. Electricité, gaz, cigarettes, péages… Comme chaque année, les automobilistes ont attendu la douloureuse avec anxiété. Ce 1er février, ce sont les tarifs des autoroutes qui ont augmenté en moyenne de 2 %, en ligne avec une inflation qui a grimpé de 2,8 % sur un an. Et comme chaque année, une partie de la classe politique reproche aux sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) de faire grimper le prix du ticket de péage.
Une quasi-stabilité des tarifs en 2021
Les trois grands opérateurs – Vinci, Eiffage et Abertis – sont souvent accusés à tort de faire mal au portefeuille des automobilistes. Les politiques ne sont pas avares dans ce sens. A gauche comme à droite, l’idée d’une nationalisation des autoroutes séduit plusieurs candidats à la présidentielle. De Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Yannick Jadot, ces trois figures assurent qu’une « nationalisation » des autoroutes serait souhaitable. Si cet argument est quelque peu démagogique, il fait souvent mouche auprès l’opinion publique. Il est pourtant fallacieux. Car les sociétés autoroutières ne font qu’appliquer la loi et les clauses de leurs contrats signés au début des années 2000 : les hausses de tarifs sont bien du ressort de l’Etat français, hausses supervisées par l’ART (Autorité de régulation des transports). « Les sociétés d’autoroutes sont informées de la publication par les services de l’Etat, dans le cadre du comité des usagers du réseau routier national, des hausses de tarifs résultant de l'application de l'inflation de référence aux lois contractuelles, explique l’ASFA (Association des sociétés françaises d'autoroutes). Le processus de consultation du comité des usagers du réseau routier national est un processus administratif interne à l'Etat, auquel (les sociétés d’autoroute) ne sont pas associées. »
Arnaud Quémard, président de l’ASFA et également PDG du réseau autoroutier Sanef, a été entendu sur ce sujet par la commission sénatoriale consacrée à la gestion des sociétés autoroutières, en juin 2020. « Les grilles tarifaires sont très contraintes et laissent très peu de place à la créativité, souligne Arnaud Quémard. Il existe malgré tout quelques modulations selon les tranches horaires sur certaines autoroutes. Il est aussi déjà arrivé que l’Etat nous impose une augmentation tarifaire inférieure de 30 % à ce que prévoyaient les contrats de concession. Mais nous ne nous plaignons pas car nos relations de travail avec le concédant sont bonnes même s’il a un pouvoir important sur nous. » Cela a par exemple été le cas – une hausse moins élevée que prévue – en 2019, avec une baisse de 30% décidée en faveur des routiers en plein conflit des Gilets jaunes. Les SCA font régulièrement des efforts financiers à l’image de Vinci Autoroutes qui vient d’annoncer le blocage des prix des péages de 80% des trajets de moins de 30km « pour préserver le pouvoir d'achat des automobilistes » et « favoriser les déplacements du quotidien, domicile-travail notamment ».
Comment se calculent les hausses de tarifs ?
L’évolution annuelle du prix des péages est calculée selon le décret nº95-81 du 24 janvier 1995, plafonnant une éventuelle hausse à 70% x l’inflation, avec une révision tous les cinq ans en cas d’investissements complémentaires non prévus initialement. « Le droit des sociétés concessionnaires à percevoir le péage en contrepartie de la construction, de l’extension, de l’entretien et de l’exploitation de leur réseau constitue le fondement du contrat de concession autoroutière, rappelle le ministère de la Transition écologique de Barbara Pompili. Le contrat de concession qui lie le concessionnaire et l’Etat, et plus particulièrement le cahier des charges qui lui est annexé, définit le cadre strict d’évolution des tarifs. » Des tarifs qui se décomposent ainsi, selon l’ASFA : sur un ticket de péage de 10 euros, 2,30 euros sont consacrés à la prolongation ou à la rénovation du réseau, 1,10 euro à son exploitation, 2,50 euros au remboursement de la dette (les SCA avaient effacé 30 milliards d’euros de dette de l’Etat en 2006 au début de leur contrat de concession), et enfin 4,10 euros en taxes diverses à destination du Trésor public. « Les bénéfices des sociétés d’autoroutes sont utilisés pour rembourser les emprunts liés à la construction, continuer à développer des services innovants et rémunérer leurs actionnaires de leurs investissements, détaille l’ASFA. Les sociétés d’autoroutes continuent d’investir pour l’amélioration du réseau autoroutier, qui reviendra en totalité à l’Etat à la fin des concessions. »
Les hausses entrant en vigueur chaque année au 1er février sont donc encadrées par les contrats signés en 2006 entre le concédant – l’Etat français – et les sociétés concessionnaires. Seize ans plus tard, aucun acteur ne déroge à cette règle, il n’y a donc pas de (mauvaise) surprise à attendre même si la hausse de 2 % en moyenne est plus forte qu’en 2021 (0,44%). Deux facteurs primordiaux entrent donc en ligne de compte dans ce calcul : la hausse de l’inflation et les investissements à venir annoncés par les SCA pour l’aménagement des tronçons existants ou pour les nouvelles infrastructures.
Les nouvelles infrastructures justement nécessitent des investissements massifs de la part de toutes ces sociétés concessionnaires qui sont lancées aujourd’hui dans une politique volontariste en faveur de l’environnement afin de faire chuter leur impact carbone. Lui aussi entendu par le Sénat, le PDG de Vinci Autoroutes Pierre Coppey analyse ainsi le rôle des sociétés concessionnaires : « Les concessions sont un outil d’investissement : 12,5 milliards d’euros ont été investis dans nos concessions depuis la privatisation pour construire des sections nouvelles, élargir les sections existantes, améliorer leur performance environnementale. Ces investissements étaient prévus dans nos contrats ou ont été ajoutés par des contrats de plan comme le paquet vert autoroutier, le plan de relance autoroutier et le plan d’investissement autoroutier. » Un an et demi plus tard, ce sont au total plus de 14 milliards qui ont été investis depuis 2006 par Vinci Autoroutes « pour le financement, la construction, l'entretien, la maintenance et la modernisation des réseaux dont il est gestionnaire pour le compte de l'État, ainsi que pour l'amélioration constante des services proposés aux usagers ». Des investissements conséquents et nécessaires au moment où l’on assiste à une accélération des installations dédiées à la mobilité verte.
Des tarifs très contrôlés
L’Etat français a confié le contrôle de la gestion des autoroutes à une instance indépendante, l’ART (Autorité de régulation des transports). Ainsi, l’ART veille au bon déroulement des opérations entre l’Etat et les sociétés concessionnaires : « Il entre dans les attributions de l’Autorité de régulation des transports d’éclairer l’avis du décideur public par un avis préalable sur tout projet d’avenant à un contrat de concession en cours, dès lors que celui-ci aurait un impact sur les tarifs (ou sur la durée de la concession). A cette occasion, l’ART veille à l’adéquation entre le montant des hausses envisagées et les coûts supplémentaires mis à la charge du concessionnaire. »
Le président de l’ART, Bernard Roman, a également précisé cette démarche de contrôle très stricte devant la commission sénatoriale : « La première mission de l'ART est la régulation des tarifs des péages. L’ART a la capacité d'exiger des sociétés concessionnaires des informations financières, techniques et économiques. Nous publions chaque année un document qui synthétise les comptes des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA), à la fois globalement et par société. Nous publierons également un rapport quinquennal qui permettra d'avoir une vision sur les tarifs des péages, qui représentent l'essentiel des recettes des SCA. » Le niveau des tarifs des autoroutes n’est donc pas laissé au hasard, ou à la simple discrétion des sociétés concessionnaires, régulièrement accusées de faire uniquement le jeu de leurs actionnaires. Et si la France peut se targuer de l’un des meilleurs réseaux autoroutiers au monde, ce n’est donc pas un hasard non plus.