Carnets de l'Economie

Crédit Suisse écope d'une amende monumentale pour évasion fiscale




Anton Kunin
06/05/2025

L’affaire est aussi ancienne que le monde bancaire lui-même, mais sa répétition à ce niveau laisse songeur. Quand des grandes banques choisissent de récidiver en toute connaissance de cause, la sanction finit (parfois) par tomber. Et cette fois, c’est un nom prestigieux de la finance helvétique qui vient d’en faire les frais.


​Crédit Suisse : des méthodes illégales assumées et répétées

Le nom de Crédit Suisse a une nouvelle fois résonné dans les colonnes judiciaires, confirmant une descente aux enfers entamée bien avant sa reprise par UBS. La banque suisse, déjà condamnée en 2014 pour dissimulation de comptes offshore, a cette fois reconnu avoir récidivé entre 2010 et 2021. Et ce n’est pas une erreur de parcours : les faits sont gravissimes. En conspirant avec des contribuables fortunés américains pour cacher plus de 4 milliards de dollars dans au moins 475 comptes non déclarés, elle s’est attiré les foudres du ministère américain de la Justice.

Dans le détail, Crédit Suisse Services AG, filiale de la maison mère, a plaidé coupable d’avoir orchestré un système d’évasion fiscale à grande échelle. Les autorités américaines ont révélé que des banquiers avaient falsifié des documents bancaires, traité de fausses donations et géré plus d’un milliard de dollars d’actifs sans aucune conformité fiscale.

Le ministère américain de la Justice a été clair : « En agissant ainsi, Crédit Suisse AG a commis de nouveaux crimes et violé son accord de plaider coupable de mai 2014 avec les États-Unis ». En 2014 déjà, la banque avait reconnu des pratiques similaires, débouchant sur une amende record de 2,6 milliards de dollars. Mais loin de tirer des leçons, elle aurait continué dans l’ombre à abriter les avoirs d’« ultra-high-net-worth individuals », des clients particulièrement aisés qui ont ainsi échappé à leurs obligations fiscales vis-à-vis du fisc américain, pointe l'accusation.

Singapour, paradis discret pour les fonds opaques de Crédit Suisse

Un point particulièrement accablant réside dans le rôle de la filiale basée à Singapour. Entre 2014 et 2023, Crédit Suisse AG Singapore a continué de gérer plus de 2 milliards de dollars dans des comptes dissimulés au nom de personnes américaines, que la banque savait ou aurait dû savoir être des contribuables américains.

Ces comptes n’étaient pas des erreurs comptables. Il s’agissait d’une mécanique parfaitement huilée : changement de bénéficiaires, utilisation d’intermédiaires, déclarations frauduleuses. Une opération révélée en partie grâce à l’enquête du Sénat américain, selon laquelle la banque a maintenu secrets près de 100 millions de dollars détenus par une seule famille américaine dans des comptes offshore.

Lanceurs d’alerte et révélations internes : la mécanique se grippe

La révélation de ce second scandale n’est pas due au hasard, ni à une soudaine prise de conscience morale du groupe. Des ex-employés de la banque ont pris d’énormes risques personnels pour transmettre à la justice américaine des documents internes, des relevés de compte, des échanges d’e-mails, ainsi que des informations confidentielles sur les déplacements de banquiers complices. « Ils ont attendu près de dix ans pour ce moment. Aujourd’hui, ils se sentent justifiés – pour avoir dit la vérité, pris tous les risques, et affronté l’une des institutions les plus puissantes au monde », a déclaré leur avocat Jeffrey Neiman.

UBS tente de sauver les meubles (et son image)

Lorsque UBS rachète Crédit Suisse en 2023 pour 3,2 milliards de dollars sous la pression des autorités suisses, elle hérite aussi des casseroles juridiques de sa nouvelle acquisition. Officiellement, UBS n’est pas impliquée dans ces agissements. Elle a même collaboré avec les enquêteurs américains en 2023 après avoir découvert l’existence des comptes litigieux à Singapour : « UBS n’était pas impliquée dans les faits sous-jacents et ne tolère aucune forme d’évasion fiscale », affirme le groupe dans un communiqué.

En guise de clôture, le ministère américain de la Justice a confirmé qu’aucune protection ne sera accordée aux individus impliqués. L’accord prévoit que Crédit Suisse et UBS devront coopérer pleinement aux enquêtes en cours et divulguer toute information future concernant les comptes américains.










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