La crise du Covid-19 est en effet incontestablement venue interroger la confiance et notre pacte citoyen. La relativité de notre souveraineté est criante, les faiblesses de nos sociétés sont plus visibles que jamais, la France est prise au piège du jacobinisme et d’une centralisation forcenée, qui ne répond ni à l’enjeu de l’Etat stratège, ni à celui de l’agilité de la sphère publique à l’heure du paradoxe qui nous impose de conjuguer technologies et digital avec proximité et humanité. La mondialisation devait permettre comme un « ouvre boîte » d’ouvrir les marchés, alors que la concurrence et la division internationale du travail deviennent notre faiblesse.
En fait, cette crise sanitaire n’est qu’un révélateur, un accélérateur de la crise démocratique qui secoue les sociétés occidentales et en tout premier lieu la France. Notre modèle démocratique, notre consentement à déléguer le pouvoir dans une démocratie représentative, notre consentement à l’impôt, et la nécessaire confiance que cela requiert sont déjà depuis plusieurs années remis en cause. La perte de la confiance, qui se traduit bien au-delà de la méfiance par une montée sans précédent de la défiance, est plus que jamais soulignée par la crise sanitaire. Même si la crise appelle d’abord à l’unité, déjà bien fragmentée, l’après crise nécessite un nouveau contrat, un nouveau pacte, pour « recoudre » une société aujourd’hui prête à bien des renoncements pour se sentir protéger.
Le Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF est la référence pour mesurer cette valeur cardinale de la démocratie bien sûr, mais plus largement de ce qui fait société ou fait lien, qu’est la confiance. Depuis 2009, il dévoile les niveaux de confiance accordée aux acteurs politiques, sociaux et économiques par les Français. Il révèle les degrés de confiance personnelle et interpersonnelle. Il divulgue enfin les perceptions de l'avenir articulées entre optimisme personnel et pessimisme collectif. Jamais cet indicateur n’a été aussi bas, et il y a fort à craindre qu’il le soit encore davantage à l’issue de l’épreuve que nous vivons.
Les définitions de la confiance sont multiples et pourtant pas si présentes. Elles sont d'ordre philosophique, psychologique, économique ou sociologique. L'excès de confiance est coupable. Sa rareté est regrettable. Le mot « confiance » vient du latin « confidere » : avec foi. La confiance est comme la foi, un pari. Son résultat n’est jamais garanti. Avoir confiance, c’est ne pas avoir de certitude et pourtant ne pas chercher à se protéger par « un contrat ». La confiance, comme le courage, s’étend par l’exemplarité. Selon Hannah Arendt, il existe même un pouvoir subversif de la confiance : celle des uns aurait le pouvoir d’engendrer la fidélité et la loyauté des autres. La confiance est la clé de l’autonomie et donc de la lutte contre les process et les contrôles, contre l’excès de bureaucratie. Pour autant, la confiance dans une société, une organisation, a besoin de règles claires.
En politique, la confiance est la valeur cardinale de la démocratie. En effet, la démocratie est le seul régime qui repose sur le consentement du gouverné. A la différence d'autres régimes politiques, la démocratie a besoin du soutien de celui sur lequel elle s'exerce. Idéalement, en votant, le citoyen ne choisit pas seulement un candidat, il soutient la démocratie. Confier à quelqu'un le soin de nous gouverner est le propre de la démocratie représentative. Confier, c'est avoir confiance. Cette valeur est donc fondamentale en démocratie. Or, la période 2009-2019 a été une décennie noire pour la confiance politique en France. 19 scrutins ont scandé la séquence électorale 2007-2017. Cette intense activité peut être vue comme un signe de vitalité démocratique mais elle aboutit aussi à une forme de fatigue civique que reflètent les taux d'abstention et le nombre de bulletins blancs et nuls lors de différentes consultations électorales. Noire, cette décennie l'a bien été. La lassitude, la méfiance et la morosité ont plombé l'état d'esprit du pays et ont dominé les sentiments positifs comme la sérénité, l'enthousiasme, le bien-être ou la confiance. 2020 et la crise du coronavirus ne vont sans doute pas améliorer cette situation.
Le fragile optimisme individuel et le fort pessimisme collectif se retrouvent dans le rapport à l'avenir. L'une des dimensions de la confiance politique est notre capacité à se projeter collectivement et positivement sur l'avenir. Depuis la Libération, le modèle social français a fonctionné sur la promesse que les générations futures vivraient mieux que les précédentes: les sacrifices des parents seraient les progrès des enfants. Or, la décennie écoulée montre le refus de croire davantage en cette promesse politique. L'avenir n'est plus envisagé avec confiance et la capacité à s'y projeter positivement est faible. La crise sanitaire actuelle n’a pu qu’amplifier, qu’accélérer cette détérioration.
Aujourd’hui, comme au lendemain de la seconde guerre mondiale, on commence à parler d’unité nationale, d’union nationale, de concorde nationale…Si l’urgence a suscité un sursaut de loyauté chez les citoyens, les limites du pouvoir en place commencent pourtant déjà à apparaître. Est-ce la bonne réponse ? Une autre peut-elle être portée, incarnée ? Une seule certitude : cette réponse devra être sincère, efficace et transparente.
La gouvernance mondiale, le multilatéralisme, n’a jamais été autant en peine depuis que la globalisation règne en maître. Le retour des régulations est en route pour contrer la vague libérale qui a pris une trop grande ampleur : organisation sanitaire, lutte contre le changement climatique, gestion des migrations… Mais quelle sera-elle ? Qui la pilotera ? La fragmentation de la mondialisation semble encore bien incertaine.
L’Europe est à un carrefour, un de plus ! Elle active des moyens considérables, essentiellement monétaires, mais reste muette dans une expression politique et budgétaire d’ampleur. La règle de l’unanimité n’est plus tenable au regards des enjeux orthogonaux qui sont ceux de la France et de l’Allemagne pour ne citer que ses deux principaux moteurs, et l’indépendance de la banque centrale n’est démocratiquement plus acceptable. Entre transferts de souveraineté calibrés et abandon de la seule véritable solidarité garante de notre place dans le monde, il va falloir choisir et choisir vite.
La France, épuisée par un déficit pandémique depuis 1974 qui n’a guère servi à autre chose qu’à préserver un fantasme souvent guidé par un égalitarisme injuste, plutôt qu’à préparer un nouveau paradigme, continue à courir comme « un canard sans tête ». A force de demi-mesures, de non choix, de renoncements, elle a perdu sa capacité stratégique et d’investissement. La crise le révèle hélas dramatiquement dans une responsabilité collectivité qui n’exonère pas d’un inventaire à venir. Mais l’heure est davantage au « comment » qu’au « pourquoi ». La parole de l’Etat reste forte et attendue comme en témoigne l’audience de la dernière intervention du Président de la République. L’action concrète est confuse, diluée. L’agilité des collectivités territoriales et des élus locaux contraste avec les lourdeurs d’un Etat central coupé de nombre de réalités et d’un Etat local exsangue, enfermé dans une posture intenable faute d’un véritable choix d’une République enfin décentralisée. Il suffit de regarder comment sur ce plan l’Allemagne fédérale a su être efficace. Elle nous montre d’ailleurs qu’elle l’est depuis longtemps bien davantage que la France, tant sur le plan économique que des services publics, malgré un taux de prélèvement plus faible et un endettement bien moindre.
Nous avons besoin d’un Etat qui pèse sur la scène européenne et internationale, qui assure ses fonctions régaliennes, mais qui cesse « d’emmerder » les français comme le disait avec bon sens Georges Pompidou. Nous avons besoin de collectivités : Communes, Départements, Régions, aux compétences élargies, clarifiées et complémentaires, libérées du joug de l’Etat. C’est ainsi que nos hôpitaux, nos services publics pourront retrouver du souffle et les moyens dont les français souhaitent les voir doter, en autonomie, en responsabilité, avec agilité, adaptation locale, efficacité et différenciation. Parce qu’enfin, les gilets jaunes avaient été les premiers à le demander : « Où est passé notre argent depuis que notre pays est en déficit, depuis 1974 ? » Si nous ne savons pas répondre à cette question, sans démagogie, avec responsabilité, dans un nouveau cadre de confiance, à l’issue de cette crise sanitaire qui à travers un facteur externe nous appelle à de nouvelles solidarités, nous aurons failli et le consentement à l’impôt sera en débat, mettant par la même les bases de la démocratie en danger.
Nous comprenons, contrairement à d’autres maladies, avec cette pandémie que la santé de chacun dépend de la responsabilité de chacun vis-à-vis du collectif et inversement de la capacité du collectif à prendre en charge la santé de chacun de ses membres. Les frontières semblent bien friables face à cela.
La confiance peut être générée par cette nouvelle interdépendance. Nous sommes peut-être à l’aube de l’avènement de cette étape. Après la dépendance de l’enfance, arrive la contre dépendance de l’adolescence affirmant sa rébellion, puis l’indépendance de l’adulte dont nous touchons peut-être aux limites pour nous engager dans l’interdépendance d’un système plus équilibré où la sagesse, la coopération, nécessitent la transparence, le courage, l’humilité, pour permettre la confiance. Dans les années 1970, Katherine Symor, analyste transactionnelle américaine, a modélisé un « cycle de la dépendance » permettant le développement de l’autonomie autour de ces quatre phases dans ce processus : la dépendance, la contre-dépendance, l’indépendance puis l’interdépendance. La description de ces différents stades de développement de l’autonomie peut permettre de redécouvrir des schémas inconscients et de prendre conscience des motivations qui sont sous-jacentes à nos désirs et à nos besoins profonds. Parallèlement, la prise de conscience de nos zones de vulnérabilité, des émotions qui y sont associées, mise en rapport avec la compréhension de ce « cycle de la dépendance », permet de rentrer en introspection avec nous-même. Cela permet d’ouvrir une réflexion avec notre conscience pour nous permettre de redéfinir nos choix, d’identifier ce qui peut évoluer dans nos comportements et enfin d’accéder à la quatrième phase du cycle : l’autonomie véritable. Peut-être est-il temps, au bénéfice de cette crise sanitaire, d’appliquer ce modèle à nos sociétés, après l’avoir mis en œuvre dans l’éducation des adolescents, dans le couple et dans l’entreprise.
Aujourd’hui, une enquête de l’institut international d’études de marché YouGov réalisée pour Society, montre que 87% des français souhaitent voir la société changer, en augmentant les moyens pour la fonction publique, avec l’écologie comme valeur cardinale, en agissant pour mieux réguler la finance. C’est là un formidable espoir, un nouvel humanisme.
Concluons donc provisoirement en laissant la parole au philosophe, que certains ont qualifié de dernier humaniste, comme Montaigne fut le dernier des humanistes de la Renaissance, à Michel Serres récemment disparu. Il aimait le silence et la présence, il aimait penser avec les pieds, en marchant, et il ajoutait que le penseur est un être boiteux, qui claudique. « Notre raison boîte. Nous boitons d’équilibre déséquilibré en équilibre compensé, plus ou moins ponctués. A quelque moment de misère et de lucidité, nous éprouvons tous en nous ce trou, cette faille de fond, ce lac de larmes stable à la base du thorax par où nous accédons à notre humanité. »
C’est peut-être maintenant…
Stéphane Sautarel
En fait, cette crise sanitaire n’est qu’un révélateur, un accélérateur de la crise démocratique qui secoue les sociétés occidentales et en tout premier lieu la France. Notre modèle démocratique, notre consentement à déléguer le pouvoir dans une démocratie représentative, notre consentement à l’impôt, et la nécessaire confiance que cela requiert sont déjà depuis plusieurs années remis en cause. La perte de la confiance, qui se traduit bien au-delà de la méfiance par une montée sans précédent de la défiance, est plus que jamais soulignée par la crise sanitaire. Même si la crise appelle d’abord à l’unité, déjà bien fragmentée, l’après crise nécessite un nouveau contrat, un nouveau pacte, pour « recoudre » une société aujourd’hui prête à bien des renoncements pour se sentir protéger.
Le Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF est la référence pour mesurer cette valeur cardinale de la démocratie bien sûr, mais plus largement de ce qui fait société ou fait lien, qu’est la confiance. Depuis 2009, il dévoile les niveaux de confiance accordée aux acteurs politiques, sociaux et économiques par les Français. Il révèle les degrés de confiance personnelle et interpersonnelle. Il divulgue enfin les perceptions de l'avenir articulées entre optimisme personnel et pessimisme collectif. Jamais cet indicateur n’a été aussi bas, et il y a fort à craindre qu’il le soit encore davantage à l’issue de l’épreuve que nous vivons.
Les définitions de la confiance sont multiples et pourtant pas si présentes. Elles sont d'ordre philosophique, psychologique, économique ou sociologique. L'excès de confiance est coupable. Sa rareté est regrettable. Le mot « confiance » vient du latin « confidere » : avec foi. La confiance est comme la foi, un pari. Son résultat n’est jamais garanti. Avoir confiance, c’est ne pas avoir de certitude et pourtant ne pas chercher à se protéger par « un contrat ». La confiance, comme le courage, s’étend par l’exemplarité. Selon Hannah Arendt, il existe même un pouvoir subversif de la confiance : celle des uns aurait le pouvoir d’engendrer la fidélité et la loyauté des autres. La confiance est la clé de l’autonomie et donc de la lutte contre les process et les contrôles, contre l’excès de bureaucratie. Pour autant, la confiance dans une société, une organisation, a besoin de règles claires.
En politique, la confiance est la valeur cardinale de la démocratie. En effet, la démocratie est le seul régime qui repose sur le consentement du gouverné. A la différence d'autres régimes politiques, la démocratie a besoin du soutien de celui sur lequel elle s'exerce. Idéalement, en votant, le citoyen ne choisit pas seulement un candidat, il soutient la démocratie. Confier à quelqu'un le soin de nous gouverner est le propre de la démocratie représentative. Confier, c'est avoir confiance. Cette valeur est donc fondamentale en démocratie. Or, la période 2009-2019 a été une décennie noire pour la confiance politique en France. 19 scrutins ont scandé la séquence électorale 2007-2017. Cette intense activité peut être vue comme un signe de vitalité démocratique mais elle aboutit aussi à une forme de fatigue civique que reflètent les taux d'abstention et le nombre de bulletins blancs et nuls lors de différentes consultations électorales. Noire, cette décennie l'a bien été. La lassitude, la méfiance et la morosité ont plombé l'état d'esprit du pays et ont dominé les sentiments positifs comme la sérénité, l'enthousiasme, le bien-être ou la confiance. 2020 et la crise du coronavirus ne vont sans doute pas améliorer cette situation.
Le fragile optimisme individuel et le fort pessimisme collectif se retrouvent dans le rapport à l'avenir. L'une des dimensions de la confiance politique est notre capacité à se projeter collectivement et positivement sur l'avenir. Depuis la Libération, le modèle social français a fonctionné sur la promesse que les générations futures vivraient mieux que les précédentes: les sacrifices des parents seraient les progrès des enfants. Or, la décennie écoulée montre le refus de croire davantage en cette promesse politique. L'avenir n'est plus envisagé avec confiance et la capacité à s'y projeter positivement est faible. La crise sanitaire actuelle n’a pu qu’amplifier, qu’accélérer cette détérioration.
Aujourd’hui, comme au lendemain de la seconde guerre mondiale, on commence à parler d’unité nationale, d’union nationale, de concorde nationale…Si l’urgence a suscité un sursaut de loyauté chez les citoyens, les limites du pouvoir en place commencent pourtant déjà à apparaître. Est-ce la bonne réponse ? Une autre peut-elle être portée, incarnée ? Une seule certitude : cette réponse devra être sincère, efficace et transparente.
La gouvernance mondiale, le multilatéralisme, n’a jamais été autant en peine depuis que la globalisation règne en maître. Le retour des régulations est en route pour contrer la vague libérale qui a pris une trop grande ampleur : organisation sanitaire, lutte contre le changement climatique, gestion des migrations… Mais quelle sera-elle ? Qui la pilotera ? La fragmentation de la mondialisation semble encore bien incertaine.
L’Europe est à un carrefour, un de plus ! Elle active des moyens considérables, essentiellement monétaires, mais reste muette dans une expression politique et budgétaire d’ampleur. La règle de l’unanimité n’est plus tenable au regards des enjeux orthogonaux qui sont ceux de la France et de l’Allemagne pour ne citer que ses deux principaux moteurs, et l’indépendance de la banque centrale n’est démocratiquement plus acceptable. Entre transferts de souveraineté calibrés et abandon de la seule véritable solidarité garante de notre place dans le monde, il va falloir choisir et choisir vite.
La France, épuisée par un déficit pandémique depuis 1974 qui n’a guère servi à autre chose qu’à préserver un fantasme souvent guidé par un égalitarisme injuste, plutôt qu’à préparer un nouveau paradigme, continue à courir comme « un canard sans tête ». A force de demi-mesures, de non choix, de renoncements, elle a perdu sa capacité stratégique et d’investissement. La crise le révèle hélas dramatiquement dans une responsabilité collectivité qui n’exonère pas d’un inventaire à venir. Mais l’heure est davantage au « comment » qu’au « pourquoi ». La parole de l’Etat reste forte et attendue comme en témoigne l’audience de la dernière intervention du Président de la République. L’action concrète est confuse, diluée. L’agilité des collectivités territoriales et des élus locaux contraste avec les lourdeurs d’un Etat central coupé de nombre de réalités et d’un Etat local exsangue, enfermé dans une posture intenable faute d’un véritable choix d’une République enfin décentralisée. Il suffit de regarder comment sur ce plan l’Allemagne fédérale a su être efficace. Elle nous montre d’ailleurs qu’elle l’est depuis longtemps bien davantage que la France, tant sur le plan économique que des services publics, malgré un taux de prélèvement plus faible et un endettement bien moindre.
Nous avons besoin d’un Etat qui pèse sur la scène européenne et internationale, qui assure ses fonctions régaliennes, mais qui cesse « d’emmerder » les français comme le disait avec bon sens Georges Pompidou. Nous avons besoin de collectivités : Communes, Départements, Régions, aux compétences élargies, clarifiées et complémentaires, libérées du joug de l’Etat. C’est ainsi que nos hôpitaux, nos services publics pourront retrouver du souffle et les moyens dont les français souhaitent les voir doter, en autonomie, en responsabilité, avec agilité, adaptation locale, efficacité et différenciation. Parce qu’enfin, les gilets jaunes avaient été les premiers à le demander : « Où est passé notre argent depuis que notre pays est en déficit, depuis 1974 ? » Si nous ne savons pas répondre à cette question, sans démagogie, avec responsabilité, dans un nouveau cadre de confiance, à l’issue de cette crise sanitaire qui à travers un facteur externe nous appelle à de nouvelles solidarités, nous aurons failli et le consentement à l’impôt sera en débat, mettant par la même les bases de la démocratie en danger.
Nous comprenons, contrairement à d’autres maladies, avec cette pandémie que la santé de chacun dépend de la responsabilité de chacun vis-à-vis du collectif et inversement de la capacité du collectif à prendre en charge la santé de chacun de ses membres. Les frontières semblent bien friables face à cela.
La confiance peut être générée par cette nouvelle interdépendance. Nous sommes peut-être à l’aube de l’avènement de cette étape. Après la dépendance de l’enfance, arrive la contre dépendance de l’adolescence affirmant sa rébellion, puis l’indépendance de l’adulte dont nous touchons peut-être aux limites pour nous engager dans l’interdépendance d’un système plus équilibré où la sagesse, la coopération, nécessitent la transparence, le courage, l’humilité, pour permettre la confiance. Dans les années 1970, Katherine Symor, analyste transactionnelle américaine, a modélisé un « cycle de la dépendance » permettant le développement de l’autonomie autour de ces quatre phases dans ce processus : la dépendance, la contre-dépendance, l’indépendance puis l’interdépendance. La description de ces différents stades de développement de l’autonomie peut permettre de redécouvrir des schémas inconscients et de prendre conscience des motivations qui sont sous-jacentes à nos désirs et à nos besoins profonds. Parallèlement, la prise de conscience de nos zones de vulnérabilité, des émotions qui y sont associées, mise en rapport avec la compréhension de ce « cycle de la dépendance », permet de rentrer en introspection avec nous-même. Cela permet d’ouvrir une réflexion avec notre conscience pour nous permettre de redéfinir nos choix, d’identifier ce qui peut évoluer dans nos comportements et enfin d’accéder à la quatrième phase du cycle : l’autonomie véritable. Peut-être est-il temps, au bénéfice de cette crise sanitaire, d’appliquer ce modèle à nos sociétés, après l’avoir mis en œuvre dans l’éducation des adolescents, dans le couple et dans l’entreprise.
Aujourd’hui, une enquête de l’institut international d’études de marché YouGov réalisée pour Society, montre que 87% des français souhaitent voir la société changer, en augmentant les moyens pour la fonction publique, avec l’écologie comme valeur cardinale, en agissant pour mieux réguler la finance. C’est là un formidable espoir, un nouvel humanisme.
Concluons donc provisoirement en laissant la parole au philosophe, que certains ont qualifié de dernier humaniste, comme Montaigne fut le dernier des humanistes de la Renaissance, à Michel Serres récemment disparu. Il aimait le silence et la présence, il aimait penser avec les pieds, en marchant, et il ajoutait que le penseur est un être boiteux, qui claudique. « Notre raison boîte. Nous boitons d’équilibre déséquilibré en équilibre compensé, plus ou moins ponctués. A quelque moment de misère et de lucidité, nous éprouvons tous en nous ce trou, cette faille de fond, ce lac de larmes stable à la base du thorax par où nous accédons à notre humanité. »
C’est peut-être maintenant…
Stéphane Sautarel