Faute de gaz russe bon marché, l'Allemagne a du rouvrir massivement des mines de charbon (image d'illustration)
Le paradoxe du gaz : un hydrocarbure pour se passer d’hydrocarbures
Ne nions pas l’évidence, le gaz naturel est une énergie fossile émettrice de CO2. Mais comparé au charbon, au pétrole et à ses dérivés, le gaz naturel a des atouts : il émet environ 50% de CO2 de moins que le charbon, et environ 30 % de moins que le pétrole. Des principaux combustibles fossiles, le gaz naturel est ainsi celui qui émet le moins de CO2. Faute d’alternatives suffisantes, nous avons donc besoin du GNL. Au point que la Chambre de commerce du Canada, dans un rapport rendu public en avril dernier, exhortait le gouvernement fédéral à accélérer l’exploitation de ses ressources gazières. L’auteur de ce rapport estimant même que « la conversion de seulement 20 % de l’électricité provenant du charbon en Asie permettrait d’économiser l’équivalent d’une année entière d’émissions de gaz à effet de serre au Canada. »
Le CO2 n’est évidemment pas le seul gaz à effet de serre (GES) en cause dans le processus de réchauffement climatique. L’exploitation du charbon, du lignite ou du pétrole émet également d’autres GES ou substances polluantes, comme le dioxyde de soufre et les particules fines. Sur ce terrain aussi, le gaz a une moindre empreinte. Reste la question du méthane, principalement émis lors de l’exploration et de l’exploitation des champs gaziers. Là aussi, des technologies existent pour le capter.
En parallèle, les énergies renouvelables, aussi prometteuses soient-elles, ne pourront pas répondre aux besoins énergétiques mondiaux, ni même européens, d’ici 2050. Leur coût prohibitif couplé à des technologies complexes pour la production des infrastructures, en font une option hors de portée pour de très nombreux pays en voie de développement. La forte variabilité de la rentabilité énergétique, et la fluctuation au gré des conditions météorologiques posent également problème en matière de continuité de la production. Enfin, dernièrement, les problèmes importants de longévité des éoliennes offshore viennent questionner la durabilité de ces solutions.
Le nucléaire quant à lui représente un espoir majeur, en particulier si les projets de centrales à fusion se concrétisent. Toutefois, même pour les centrales à fission que nous exploitons déjà, les technologies nécessaires, les coûts associés, mais aussi la durée des chantiers n’en font pas une solution disponible dans les délais associés aux ambitions d’énergie décarbonée. En France, les nouveaux réacteurs programmés ne seront pas opérationnels avant 12 ans. On sait aussi que des délais additionnels peuvent encore décaler ces échéances, comme dans le cas de Flamanville, où la construction de l’EPR a été commencée en 2007 pour une mise en fonction prévue pour 2018. À ce jour, l’EPR de Flamanville n’est toujours pas terminé et les surcoûts sont conséquents.
En comparaison, le gaz naturel présente l’avantage d’être relativement facile à exploiter, une fois les infrastructures construites – terminaux pour le gaz naturel liquéfié et gazoducs. Et la plupart des pays industrialisés disposent déjà en partie de telles infrastructures, argument supplémentaire en faveur du gaz puisque les délais constituent un facteur essentiel.
Des choix politiques urgents
Considérant l’urgence de la situation et les choix qui s’offrent à ses Etats membres, l’Union européenne a fait le choix du pragmatisme. Parmi les plus exigeantes en termes de développement durable, l’Union européenne a reconnu dans sa taxonomie verte – classification standardisée des activités économiques majeures pour la réalisation d’objectifs environnementaux – le gaz naturel comme ayant « un rôle à jouer pour faciliter la transition vers les objectifs climatiques de 2030 et la neutralité climatique en 2050 », selon les termes employés par la Commission.
Ce n’est pas pour autant une carte blanche pour l’usage illimité du gaz, comme l’expliquait l’eurodéputé Renaissance Pascal Canfin l’an dernier. « Tous les investissements liés au gaz et au nucléaire sont soumis à de fortes exigences de transparence obligatoire, ce qui informera tous les acteurs du marché financier et permettra aux investisseurs de choisir s'ils veulent que le gaz et/ou le nucléaire fasse partie de leur portefeuille d'actifs. »
L’ajout du gaz naturel dans la taxonomie verte doit sans doute aussi un peu à un hasard de calendrier. Avec la guerre en Ukraine débutée en février 2022, l’Europe a dû réagir vite et le choix d’abandonner les hydrocarbures russes a impliqué un déploiement d’efforts diplomatiques, logistiques et économiques majeurs. L’importance de la place du gaz dans nos économies européennes s’est alors révélée au grand public. En 2020, le gaz représentait 32 % de la consommation finale dans le secteur industriel au sein de l’UE.
Comme les conditions climatiques ont été plutôt favorables, et que l’accroissement des prix a favorisé une certaine modération dans la consommation, l’Europe n’a pas connu l’hiver dernier un manque de gaz crucial, malgré une baisse drastique des importations de gaz russe. Ce dernier a toutefois fait défaut en Allemagne, pays qui était dépendant à 55 % de la Russie, la réouverture massive des centrales à charbon devenant une nécessité pour faire tourner les usines du premier pays industriel européen.
Ce pays au mouvement écologiste puissant s’est rapidement mobilisé pour remplacer le gaz russe par… un gaz venu d’ailleurs, faisant notamment cavalier seul avec le Qatar avec un contrat d’une durée de 15 ans.
En Pologne, grand consommateur de charbon souvent pointé du doigt par l’UE pour son retard en matière de transition, le gaz a également un rôle majeur pour sortir du charbon à un rythme accru. Ainsi, le pays a investi dans le développement du gazoduc reliant la Norvège (Baltic Pipe) et agrandi son terminal de GNL.
L‘UE à la recherche de nouveaux partenaires gaziers
Outre ces initiatives nationales, l’Union européenne, ayant clarifié l’an passé le volet gazier de sa stratégie énergétique, a accéléré la recherche de fournisseurs alternatifs. Au-delà des partenaires habituels qui compensent partiellement la hausse de la demande européenne – Etats-Unis, Qatar, Nigéria, Algérie, … – les énergéticiens européens accentuent leur présence en Afrique, au Sénégal, en Mauritanie, ou encore au Mozambique.
Ce pays retient l’attention des acteurs européens en raison des réserves prometteuses qui le placent à la 9ème place mondiale, et qui pourrait faire de lui un futur Qatar d’Afrique australe. L’Italien Eni a d’ailleurs procédé à la première expédition vers l’Europe d’un GNL mozambicain l’hiver dernier, extrait et transformé intégralement offshore. Au plan collectif, l’Union Européenne semble avoir saisi l’enjeu, puisqu’elle accroit les aides destinées à soutenir le gouvernement local dans la stabilisation de la région productrice, en proie à une insurrection aujourd’hui sur le déclin, et seul obstacle empêchant le déploiement d’un ambition projet onshore.
Au-delà du cas européen, la reconnaissance de la place du gaz naturel comme un intermédiaire dans l’effort général de décarbonation est un fait mondial, qui touche une large majorité de pays à des stades très variés de développement. La Chine ou l’Inde effectuent les mêmes démarches que les pays européens, tandis que les pays émergents comme l’Afrique du Sud s’associent aux projets d’exploitation de nouveaux gisements. Leur point commun : pour toutes ces économies, et les milliards d’êtres humains qu’elles représentent, le gaz naturel est à la fois un levier de développement, et un progrès écologique et sanitaire incontestable dont ils ne peuvent pas se priver.
Ne nions pas l’évidence, le gaz naturel est une énergie fossile émettrice de CO2. Mais comparé au charbon, au pétrole et à ses dérivés, le gaz naturel a des atouts : il émet environ 50% de CO2 de moins que le charbon, et environ 30 % de moins que le pétrole. Des principaux combustibles fossiles, le gaz naturel est ainsi celui qui émet le moins de CO2. Faute d’alternatives suffisantes, nous avons donc besoin du GNL. Au point que la Chambre de commerce du Canada, dans un rapport rendu public en avril dernier, exhortait le gouvernement fédéral à accélérer l’exploitation de ses ressources gazières. L’auteur de ce rapport estimant même que « la conversion de seulement 20 % de l’électricité provenant du charbon en Asie permettrait d’économiser l’équivalent d’une année entière d’émissions de gaz à effet de serre au Canada. »
Le CO2 n’est évidemment pas le seul gaz à effet de serre (GES) en cause dans le processus de réchauffement climatique. L’exploitation du charbon, du lignite ou du pétrole émet également d’autres GES ou substances polluantes, comme le dioxyde de soufre et les particules fines. Sur ce terrain aussi, le gaz a une moindre empreinte. Reste la question du méthane, principalement émis lors de l’exploration et de l’exploitation des champs gaziers. Là aussi, des technologies existent pour le capter.
En parallèle, les énergies renouvelables, aussi prometteuses soient-elles, ne pourront pas répondre aux besoins énergétiques mondiaux, ni même européens, d’ici 2050. Leur coût prohibitif couplé à des technologies complexes pour la production des infrastructures, en font une option hors de portée pour de très nombreux pays en voie de développement. La forte variabilité de la rentabilité énergétique, et la fluctuation au gré des conditions météorologiques posent également problème en matière de continuité de la production. Enfin, dernièrement, les problèmes importants de longévité des éoliennes offshore viennent questionner la durabilité de ces solutions.
Le nucléaire quant à lui représente un espoir majeur, en particulier si les projets de centrales à fusion se concrétisent. Toutefois, même pour les centrales à fission que nous exploitons déjà, les technologies nécessaires, les coûts associés, mais aussi la durée des chantiers n’en font pas une solution disponible dans les délais associés aux ambitions d’énergie décarbonée. En France, les nouveaux réacteurs programmés ne seront pas opérationnels avant 12 ans. On sait aussi que des délais additionnels peuvent encore décaler ces échéances, comme dans le cas de Flamanville, où la construction de l’EPR a été commencée en 2007 pour une mise en fonction prévue pour 2018. À ce jour, l’EPR de Flamanville n’est toujours pas terminé et les surcoûts sont conséquents.
En comparaison, le gaz naturel présente l’avantage d’être relativement facile à exploiter, une fois les infrastructures construites – terminaux pour le gaz naturel liquéfié et gazoducs. Et la plupart des pays industrialisés disposent déjà en partie de telles infrastructures, argument supplémentaire en faveur du gaz puisque les délais constituent un facteur essentiel.
Des choix politiques urgents
Considérant l’urgence de la situation et les choix qui s’offrent à ses Etats membres, l’Union européenne a fait le choix du pragmatisme. Parmi les plus exigeantes en termes de développement durable, l’Union européenne a reconnu dans sa taxonomie verte – classification standardisée des activités économiques majeures pour la réalisation d’objectifs environnementaux – le gaz naturel comme ayant « un rôle à jouer pour faciliter la transition vers les objectifs climatiques de 2030 et la neutralité climatique en 2050 », selon les termes employés par la Commission.
Ce n’est pas pour autant une carte blanche pour l’usage illimité du gaz, comme l’expliquait l’eurodéputé Renaissance Pascal Canfin l’an dernier. « Tous les investissements liés au gaz et au nucléaire sont soumis à de fortes exigences de transparence obligatoire, ce qui informera tous les acteurs du marché financier et permettra aux investisseurs de choisir s'ils veulent que le gaz et/ou le nucléaire fasse partie de leur portefeuille d'actifs. »
L’ajout du gaz naturel dans la taxonomie verte doit sans doute aussi un peu à un hasard de calendrier. Avec la guerre en Ukraine débutée en février 2022, l’Europe a dû réagir vite et le choix d’abandonner les hydrocarbures russes a impliqué un déploiement d’efforts diplomatiques, logistiques et économiques majeurs. L’importance de la place du gaz dans nos économies européennes s’est alors révélée au grand public. En 2020, le gaz représentait 32 % de la consommation finale dans le secteur industriel au sein de l’UE.
Comme les conditions climatiques ont été plutôt favorables, et que l’accroissement des prix a favorisé une certaine modération dans la consommation, l’Europe n’a pas connu l’hiver dernier un manque de gaz crucial, malgré une baisse drastique des importations de gaz russe. Ce dernier a toutefois fait défaut en Allemagne, pays qui était dépendant à 55 % de la Russie, la réouverture massive des centrales à charbon devenant une nécessité pour faire tourner les usines du premier pays industriel européen.
Ce pays au mouvement écologiste puissant s’est rapidement mobilisé pour remplacer le gaz russe par… un gaz venu d’ailleurs, faisant notamment cavalier seul avec le Qatar avec un contrat d’une durée de 15 ans.
En Pologne, grand consommateur de charbon souvent pointé du doigt par l’UE pour son retard en matière de transition, le gaz a également un rôle majeur pour sortir du charbon à un rythme accru. Ainsi, le pays a investi dans le développement du gazoduc reliant la Norvège (Baltic Pipe) et agrandi son terminal de GNL.
L‘UE à la recherche de nouveaux partenaires gaziers
Outre ces initiatives nationales, l’Union européenne, ayant clarifié l’an passé le volet gazier de sa stratégie énergétique, a accéléré la recherche de fournisseurs alternatifs. Au-delà des partenaires habituels qui compensent partiellement la hausse de la demande européenne – Etats-Unis, Qatar, Nigéria, Algérie, … – les énergéticiens européens accentuent leur présence en Afrique, au Sénégal, en Mauritanie, ou encore au Mozambique.
Ce pays retient l’attention des acteurs européens en raison des réserves prometteuses qui le placent à la 9ème place mondiale, et qui pourrait faire de lui un futur Qatar d’Afrique australe. L’Italien Eni a d’ailleurs procédé à la première expédition vers l’Europe d’un GNL mozambicain l’hiver dernier, extrait et transformé intégralement offshore. Au plan collectif, l’Union Européenne semble avoir saisi l’enjeu, puisqu’elle accroit les aides destinées à soutenir le gouvernement local dans la stabilisation de la région productrice, en proie à une insurrection aujourd’hui sur le déclin, et seul obstacle empêchant le déploiement d’un ambition projet onshore.
Au-delà du cas européen, la reconnaissance de la place du gaz naturel comme un intermédiaire dans l’effort général de décarbonation est un fait mondial, qui touche une large majorité de pays à des stades très variés de développement. La Chine ou l’Inde effectuent les mêmes démarches que les pays européens, tandis que les pays émergents comme l’Afrique du Sud s’associent aux projets d’exploitation de nouveaux gisements. Leur point commun : pour toutes ces économies, et les milliards d’êtres humains qu’elles représentent, le gaz naturel est à la fois un levier de développement, et un progrès écologique et sanitaire incontestable dont ils ne peuvent pas se priver.