La question de l’abandon immédiat
Même si le gouvernement décidait aujourd’hui, en réponse aux manifestations de ce week-end, de fermer l’ensemble les 58 réacteurs du parc électronucléaire national, il faudrait certainement un demi-siècle au moins pour voir disparaitre les derniers déchets radioactifs du paysage. Et encore cette « disparition » ne serait que le début d’un autre problème : le stockage ou la neutralisation d’éléments radioactifs, dont la demi-vie (1) atteint 12000 ans pour certains. Le coût de démantèlement des centrales sera une autre des problématiques. Même si EDF a provisionné plusieurs dizaines de milliards d’euros pour ce démantèlement, l’expérience en la matière tend à démontrer une inflation des coûts proportionnelle à la complexité des systèmes. Qu’en sera-t-il de l’EPR, jugé certes plus sûr que ses prédécesseurs mais aussi plus complexe ?
La fiabilité des centrales françaises en question
Si la probabilité d’un séisme de magnitude 9 en France est extrêmement faible, elle n’est pas nulle. Par contre, un séisme conjugué à un tsunami est une hypothèse difficile à envisager de manière réaliste en France, même dans les scénarii de crise les plus sévères. La France n’est pas dans la configuration du Japon, où c’est bien la combinaison des deux événements qui a provoqué la catastrophe.
Les réacteurs français, à 100% réacteurs à eau pressurisée traditionnels (REP ou PWR) et EPR, sont différents par exemple des réacteurs RBMK, tel celui de Tchernobyl, qui ne possèdent pas de véritable enceinte de confinement, ou encore des réacteurs à eau bouillante (REP ou BWR), tel ceux de Fukushima, qui ne possèdent pas de circuit secondaire pour faire obstacle à une propagation de la contamination. L’homogénéité de notre parc est un facteur de fiabilité en lui-même. Mais nos réacteurs vieillissent : 34 des 58 réacteurs construits par EDF ont plus de 25 ans, et les risques d’accident augmentent avec l’âge. Nous ne sommes pas à l’abri des accidents : la France a connu une douzaine d’incidents classé jusqu’à 4, pour un maximum de 7, sur l’échelle de l’INES (International Nuclear Event Scale). Si 7 a été attribué à Tchernobyl, Fukushima a par contre été classé de niveau 5 par l’autorité de sûreté du Japon. Les estimations du CEA français correspondraient plus au niveau 6.
Le poids de la facture énergétique en temps de crise
Fukushima aurait pu être le coup de grâce de l’énergie nucléaire mais il n’en est rien, et même le Japon, compte tenu de l’explosion de la facture énergétique du fait des importations de gaz et de pétrole, commence à redémarrer un certain nombre de réacteurs. Car l’énergie électrique d’origine nucléaire coûte moins cher, comparativement à toutes les autres énergies : 2.81 centimes d’euros le kWatt/h, contre 4,1 pour l’éolien (devenue rentable sur les dernières générations d’éoliennes) 4.5 pour le gaz naturel, 6.5 pour le fioul domestique ou 14 centimes pour le solaire (2) . Mais au-delà des prix, les quantités disponibles sont également un facteur de choix : les plus puissantes des éoliennes atteignent environ 1 MWatt de puissance unitaire, là où un seul EPR en fournit 1700. Certes, il faut ajouter au coût des centrales le coût de démantèlement et d’assainissement, qui est pour l’instant estimé à 40 milliards d’euros à la fois par le Cour des Comptes et par EDF (3) . Mais même si les coûts de démantèlement devaient doubler, un autre rapport de la Cour des Comptes de 2012 ne conclut qu’à une augmentation de 5% des tarifs de l’électricité d’origine nucléaire (4) .
Il y a aujourd’hui environ 450 réacteurs nucléaires dans le monde, et si une cinquantaine est en cours de démantèlement (des réacteurs de recherche pour une bonne part, d’ailleurs) plus de 65 réacteurs de puissance sont en cours de construction (5) . L’indépendance énergétique n’est pas qu’une préoccupation française, et le choix du nucléaire peut répondre parfois aussi à des impératifs écologiques : en passant massivement au nucléaire, la Chine espère ainsi réduire sa dépendance vis-à-vis des centrales à charbon, énergie la plus polluante de la planète. Il ne faut négliger non plus la part que représente la filière électronucléaire dans l’industrie nationale, en termes d’emploi, de savoir-faire et de compétitivité internationale. De l’autre côté du spectre des arguments, le coût d’un accident nucléaire en France, similaire en proportions à celui de Fukushima, est estimé entre 430 et 1000 milliards d’euros, soit bien plus que le budget annuel de l’état même pour les estimations les plus basses (6) . Les risques économiques, politiques et sociaux que cela implique méritent une réflexion dépassionnée sur ce sujet.
Même si le gouvernement décidait aujourd’hui, en réponse aux manifestations de ce week-end, de fermer l’ensemble les 58 réacteurs du parc électronucléaire national, il faudrait certainement un demi-siècle au moins pour voir disparaitre les derniers déchets radioactifs du paysage. Et encore cette « disparition » ne serait que le début d’un autre problème : le stockage ou la neutralisation d’éléments radioactifs, dont la demi-vie (1) atteint 12000 ans pour certains. Le coût de démantèlement des centrales sera une autre des problématiques. Même si EDF a provisionné plusieurs dizaines de milliards d’euros pour ce démantèlement, l’expérience en la matière tend à démontrer une inflation des coûts proportionnelle à la complexité des systèmes. Qu’en sera-t-il de l’EPR, jugé certes plus sûr que ses prédécesseurs mais aussi plus complexe ?
La fiabilité des centrales françaises en question
Si la probabilité d’un séisme de magnitude 9 en France est extrêmement faible, elle n’est pas nulle. Par contre, un séisme conjugué à un tsunami est une hypothèse difficile à envisager de manière réaliste en France, même dans les scénarii de crise les plus sévères. La France n’est pas dans la configuration du Japon, où c’est bien la combinaison des deux événements qui a provoqué la catastrophe.
Les réacteurs français, à 100% réacteurs à eau pressurisée traditionnels (REP ou PWR) et EPR, sont différents par exemple des réacteurs RBMK, tel celui de Tchernobyl, qui ne possèdent pas de véritable enceinte de confinement, ou encore des réacteurs à eau bouillante (REP ou BWR), tel ceux de Fukushima, qui ne possèdent pas de circuit secondaire pour faire obstacle à une propagation de la contamination. L’homogénéité de notre parc est un facteur de fiabilité en lui-même. Mais nos réacteurs vieillissent : 34 des 58 réacteurs construits par EDF ont plus de 25 ans, et les risques d’accident augmentent avec l’âge. Nous ne sommes pas à l’abri des accidents : la France a connu une douzaine d’incidents classé jusqu’à 4, pour un maximum de 7, sur l’échelle de l’INES (International Nuclear Event Scale). Si 7 a été attribué à Tchernobyl, Fukushima a par contre été classé de niveau 5 par l’autorité de sûreté du Japon. Les estimations du CEA français correspondraient plus au niveau 6.
Le poids de la facture énergétique en temps de crise
Fukushima aurait pu être le coup de grâce de l’énergie nucléaire mais il n’en est rien, et même le Japon, compte tenu de l’explosion de la facture énergétique du fait des importations de gaz et de pétrole, commence à redémarrer un certain nombre de réacteurs. Car l’énergie électrique d’origine nucléaire coûte moins cher, comparativement à toutes les autres énergies : 2.81 centimes d’euros le kWatt/h, contre 4,1 pour l’éolien (devenue rentable sur les dernières générations d’éoliennes) 4.5 pour le gaz naturel, 6.5 pour le fioul domestique ou 14 centimes pour le solaire (2) . Mais au-delà des prix, les quantités disponibles sont également un facteur de choix : les plus puissantes des éoliennes atteignent environ 1 MWatt de puissance unitaire, là où un seul EPR en fournit 1700. Certes, il faut ajouter au coût des centrales le coût de démantèlement et d’assainissement, qui est pour l’instant estimé à 40 milliards d’euros à la fois par le Cour des Comptes et par EDF (3) . Mais même si les coûts de démantèlement devaient doubler, un autre rapport de la Cour des Comptes de 2012 ne conclut qu’à une augmentation de 5% des tarifs de l’électricité d’origine nucléaire (4) .
Il y a aujourd’hui environ 450 réacteurs nucléaires dans le monde, et si une cinquantaine est en cours de démantèlement (des réacteurs de recherche pour une bonne part, d’ailleurs) plus de 65 réacteurs de puissance sont en cours de construction (5) . L’indépendance énergétique n’est pas qu’une préoccupation française, et le choix du nucléaire peut répondre parfois aussi à des impératifs écologiques : en passant massivement au nucléaire, la Chine espère ainsi réduire sa dépendance vis-à-vis des centrales à charbon, énergie la plus polluante de la planète. Il ne faut négliger non plus la part que représente la filière électronucléaire dans l’industrie nationale, en termes d’emploi, de savoir-faire et de compétitivité internationale. De l’autre côté du spectre des arguments, le coût d’un accident nucléaire en France, similaire en proportions à celui de Fukushima, est estimé entre 430 et 1000 milliards d’euros, soit bien plus que le budget annuel de l’état même pour les estimations les plus basses (6) . Les risques économiques, politiques et sociaux que cela implique méritent une réflexion dépassionnée sur ce sujet.
1 Période à l’issue de laquelle la radioactivité d’un élément a été divisée par deux.
3 Le démantèlement des installations nucléaires, rapport de la Cour des Comptes du 01 janvier 2005.
4 Les coûts de la filière nucléaire, rapport de la Cour des Comptes du 31 janvier 2012
5 Nucléaire, le choc planétaire, Sciences & Vie HS, avril 2011
6 Polémique sur le coût d'un accident nucléaire en France, Challenges.fr, 11 mars 2013