Une menace protéiforme : de la désinformation aux cyberattaques
Il y a vingt ans, en 2003, Bernard Carayon publiait un rapport ambitieux qui devait marquer une étape décisive dans la compréhension des enjeux économiques contemporains. Intitulé « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale », ce document établissait une vérité dérangeante : dans un monde de globalisation accélérée, les États et les entreprises étaient engagés dans une véritable guerre économique. Pourtant, malgré ses recommandations visionnaires, ce rapport reste aujourd’hui largement sous-exploité.
L’ingérence économique ne se limite plus à la manipulation des flux financiers ou au contrôle des marchés. Elle prend désormais une dimension hybride, multi-flux et multi-support, où l’information joue un rôle central. Les campagnes de désinformation ciblant les entreprises et les États se sont intensifiées ces dernières années. Par le biais de réseaux sociaux et de plateformes en ligne, des acteurs malveillants diffusent rumeurs, fake news et contenus falsifiés. Ces campagnes cherchent à altérer l’opinion publique, fragiliser la confiance des investisseurs, ou déstabiliser un concurrent stratégique. Un exemple régulièrement utilisé et dénoncé de cette pratique ce sont les accusations de greenwashing contre des entreprises pourtant reconnues pour leurs efforts environnementaux. Ces critiques, parfois infondées, sont amplifiées par des relais numériques, créant un climat de défiance généralisée exacerbé par l’arrivée de l’intelligence artificielle qui offre de nouveaux outils surpuissants aux acteurs malveillants.
En parallèle, les cyberattaques visant les infrastructures critiques et les bases de données stratégiques des entreprises se multiplient. Entre 2020 et 2023, la France a enregistré une hausse de 40 % des cyberattaques ciblant des secteurs clés tels que l’énergie, la santé, ou les télécommunications. Les attaques contre des systèmes industriels, comme celles subies par certains grands groupes européens, montrent que les entreprises doivent faire face à une sophistication croissante des techniques employées par les attaquants. Ces derniers allient souvent espionnage numérique et opérations d’influence pour maximiser leurs impacts.
L’ingérence économique ne se limite plus à la manipulation des flux financiers ou au contrôle des marchés. Elle prend désormais une dimension hybride, multi-flux et multi-support, où l’information joue un rôle central. Les campagnes de désinformation ciblant les entreprises et les États se sont intensifiées ces dernières années. Par le biais de réseaux sociaux et de plateformes en ligne, des acteurs malveillants diffusent rumeurs, fake news et contenus falsifiés. Ces campagnes cherchent à altérer l’opinion publique, fragiliser la confiance des investisseurs, ou déstabiliser un concurrent stratégique. Un exemple régulièrement utilisé et dénoncé de cette pratique ce sont les accusations de greenwashing contre des entreprises pourtant reconnues pour leurs efforts environnementaux. Ces critiques, parfois infondées, sont amplifiées par des relais numériques, créant un climat de défiance généralisée exacerbé par l’arrivée de l’intelligence artificielle qui offre de nouveaux outils surpuissants aux acteurs malveillants.
En parallèle, les cyberattaques visant les infrastructures critiques et les bases de données stratégiques des entreprises se multiplient. Entre 2020 et 2023, la France a enregistré une hausse de 40 % des cyberattaques ciblant des secteurs clés tels que l’énergie, la santé, ou les télécommunications. Les attaques contre des systèmes industriels, comme celles subies par certains grands groupes européens, montrent que les entreprises doivent faire face à une sophistication croissante des techniques employées par les attaquants. Ces derniers allient souvent espionnage numérique et opérations d’influence pour maximiser leurs impacts.
L’ingérence technologique et industrielle : la captation des savoir-faire
Si les cyberattaques et la manipulation de l’information sont les facettes les plus visibles de l’ingérence, la captation de savoir-faire industriels et technologiques représente une autre forme subtile mais tout aussi dangereuse. Les rachats d’entreprises stratégiques, souvent orchestrés par des fonds liés à des États, visent à prendre le contrôle de technologies sensibles. En 2022, 30 % des brevets européens en technologies avancées ont été acquis par des entreprises étrangères, parfois issues de juridictions peu transparentes. Ces transferts affaiblissent les positions industrielles locales tout en renforçant la dépendance technologique de l’Europe.
L’ingérence s’attaque aussi aux individus. La fuite des talents, incitée par des offres attractives provenant d’acteurs étrangers, affaiblit durablement la compétitivité des secteurs stratégiques. Dans le domaine de l’intelligence artificielle, des centaines de chercheurs européens ont ainsi rejoint des entreprises ou des programmes financés par des États rivaux, creusant un écart technologique difficile à combler.
L’ingérence s’attaque aussi aux individus. La fuite des talents, incitée par des offres attractives provenant d’acteurs étrangers, affaiblit durablement la compétitivité des secteurs stratégiques. Dans le domaine de l’intelligence artificielle, des centaines de chercheurs européens ont ainsi rejoint des entreprises ou des programmes financés par des États rivaux, creusant un écart technologique difficile à combler.
Des réponses encore insuffisantes contres les ingérences
Les dispositifs actuels des entreprises et des États, bien que renforcés, demeurent inadaptés à l’ampleur des menaces. Des initiatives comme la création de Viginum, chargé de surveiller les ingérences numériques lors des échéances démocratiques, ou les lois sur les investissements étrangers, montrent une prise de conscience des enjeux. Cependant, cette stratégie souffre encore d’une fragmentation institutionnelle et d’un manque de moyens coordonnés. En 2023, un rapport sénatorial pointait l’absence de synergies efficaces entre les ministères, les entreprises et les collectivités territoriales. Pour contrer les ingérences étrangères, une stratégie nationale intégrée et interministérielle apparaît indispensable, à l’image des modèles scandinaves ou israéliens.
En 2024, les rivalités économiques s’intensifient dans un cadre géopolitique qualifié de « néo-guerre froide » par le Sénat français. Les puissances adverses, notamment la Chine et la Russie, utilisent des stratégies hybrides pour exploiter les divisions internes des démocraties occidentales. La France, pour rester compétitive, doit impérativement adopter une posture offensive : renforcer ses outils de veille stratégique, soutenir ses entreprises dans les secteurs critiques, et investir dans une politique d’influence capable de défendre ses intérêts sur la scène mondiale. Pour les entreprises, il est devenu vital d’investir dans leur résilience face aux ingérences. De nombreuses entreprises françaises commencent à intégrer ces dimensions dans leur gouvernance, mais les efforts restent disparates, notamment parmi les PME et les TPE qui disposent de moyens moins importants.
L’ingérence économique, par sa complexité et sa portée, ne peut être combattue uniquement par des mesures défensives. Elle exige une vision offensive, où la France et ses entreprises adoptent des stratégies d’influence proactive sur la scène mondiale. Pour ce faire, il faut protéger les actifs stratégiques, mais aussi développer des outils capables de promouvoir les intérêts nationaux à l’international. Des initiatives comme la création d’un fonds souverain renforcé, le soutien à la réindustrialisation et la mise en œuvre de politiques d’éducation stratégique sont autant de leviers pour réduire la vulnérabilité face aux ingérences.
Le défi, en 2024, est d’allier résilience et innovation, tout en instaurant une véritable culture de l’intelligence économique. Car dans une économie globalisée où la compétition dépasse les frontières traditionnelles, l’avenir des entreprises françaises dépendra autant de leur capacité à innover que de leur aptitude à se défendre contre des menaces invisibles mais bien réelles. Bernard Carayon avait dès 2003 pressenti que la compétition mondiale se déplacerait vers des terrains moins visibles, où l’information et l’influence joueraient un rôle prépondérant. Il décrivait cette guerre comme un affrontement systémique, où des États et des entreprises mobiliseraient des outils économiques, juridiques et médiatiques pour affaiblir leurs concurrents. Si cette analyse semblait à l’époque novatrice, elle apparaît aujourd’hui comme une évidence.
En 2024, les rivalités économiques s’intensifient dans un cadre géopolitique qualifié de « néo-guerre froide » par le Sénat français. Les puissances adverses, notamment la Chine et la Russie, utilisent des stratégies hybrides pour exploiter les divisions internes des démocraties occidentales. La France, pour rester compétitive, doit impérativement adopter une posture offensive : renforcer ses outils de veille stratégique, soutenir ses entreprises dans les secteurs critiques, et investir dans une politique d’influence capable de défendre ses intérêts sur la scène mondiale. Pour les entreprises, il est devenu vital d’investir dans leur résilience face aux ingérences. De nombreuses entreprises françaises commencent à intégrer ces dimensions dans leur gouvernance, mais les efforts restent disparates, notamment parmi les PME et les TPE qui disposent de moyens moins importants.
L’ingérence économique, par sa complexité et sa portée, ne peut être combattue uniquement par des mesures défensives. Elle exige une vision offensive, où la France et ses entreprises adoptent des stratégies d’influence proactive sur la scène mondiale. Pour ce faire, il faut protéger les actifs stratégiques, mais aussi développer des outils capables de promouvoir les intérêts nationaux à l’international. Des initiatives comme la création d’un fonds souverain renforcé, le soutien à la réindustrialisation et la mise en œuvre de politiques d’éducation stratégique sont autant de leviers pour réduire la vulnérabilité face aux ingérences.
Le défi, en 2024, est d’allier résilience et innovation, tout en instaurant une véritable culture de l’intelligence économique. Car dans une économie globalisée où la compétition dépasse les frontières traditionnelles, l’avenir des entreprises françaises dépendra autant de leur capacité à innover que de leur aptitude à se défendre contre des menaces invisibles mais bien réelles. Bernard Carayon avait dès 2003 pressenti que la compétition mondiale se déplacerait vers des terrains moins visibles, où l’information et l’influence joueraient un rôle prépondérant. Il décrivait cette guerre comme un affrontement systémique, où des États et des entreprises mobiliseraient des outils économiques, juridiques et médiatiques pour affaiblir leurs concurrents. Si cette analyse semblait à l’époque novatrice, elle apparaît aujourd’hui comme une évidence.