Carnets de l'Economie

Boycott de Danone au Maroc : le pouvoir d’achat en première ligne




La Caf's
24/01/2019

Danone, implantée au Maroc avec sa filiale Centrale Danone, a traversé de fin avril au dernier trimestre 2018 une crise sans précédent. C’est en effet à un véritable boycott de grande ampleur auquel Danone a dû faire face durant cette période.


Venue de nulle part.

Cette campagne de boycott dont les origines restent très floues a été lancée sur les réseaux sociaux de façon anonyme au Maroc avant de se propager comme une traînée de poudre dans tous les milieux du Royaume. Si son origine reste incertaine, son impact n’en a pas été moins important sur les produits visés par le boycott. Les Marocains ont voulu dénoncer par ce dernier la cherté de la vie, la faiblesse de leur pouvoir d’achat et dénoncer des inégalités qu’ils trouvent insupportables entre une élite privilégiée et une classe moyenne qui n’y arrive pas. Le boycott visait des sociétés considérées comme profitant d’une position dominante et a donc concerné des produits de base, dont l’eau, les produits laitiers et l’essence que les Marocains peinent à assumer.
Boycott de Danone au Maroc : le pouvoir d’achat en première ligne

Une société dans le rouge.

Le boycott a été très suivi par les Marocains et les conséquences pour Danone ne se sont pas fait attendre. Très vite les ventes se sont effondrées. En moins de six semaines, elles ont été divisées par deux et Danone a réalisé des pertes de 14 M€ sur le premier semestre. L’entreprise s’est retrouvée ainsi au pied du mur, victime d’un mouvement qui semblait incontrôlable et qui la visait directement. Au-delà des pertes financières et de la perte de confiance des actionnaires qui s’est matérialisée par une forte baisse de l’action à la bourse de Casablanca, ces chiffres alarmants pour la santé de Danone ont fini par faire craindre aux 6000 employés du Royaume une perte de leur emploi. Ils ont manifesté en masse devant le Parlement à Rabat. Le Gouvernement marocain n’a pas hésité à soutenir Danone et a appelé à un retour à la normale afin de ne pas installer un climat de méfiance vis-à-vis des investisseurs étrangers.

Une crise qui a d’abord dépassé largement l’entreprise, mais a fini par la concerner entièrement...

L’entreprise a dans un premier temps répondu à l’urgence de la situation avec des mesures très « court-termiste » en réduisant drastiquement sa collecte de lait pour compenser les pertes financières. Une solution qui n’allait pas du tout dans le sens d’une résolution de la crise : l’enjeu n’était bien sûr pas là. Il fallait calmer la société marocaine en assumant un rôle politique et sociétal qui n’était pas du domaine de l’entreprise. Danone a tardé à briser le silence sur cette affaire sans apparition de la part de sa direction pendant les deux premiers mois de la crise. Tout s’est passé comme si Danone avait sous-estimé l’enjeu, bien que ses effets soient déjà perceptibles. Le fait qu’une responsable interne ait qualifié les boycotteurs de traîtres à la patrie n’a rien arrangé. Une réaction certainement due au fait que Danone ait tardé à adopter une position et à la communiquer à ses collaborateurs, malgré sa ligne de défense autour de la stabilité des prix depuis 2013 (soit avant l’entrée de Danone au capital de Centrale).

Après la tempête, des messages forts...

Si la réaction de la direction s’est fait désirer, elle a réagi de façon percutante quand le PDG de Danone, Emmanuel Faber lui-même s’est déplacé à Casablanca pour « aller à la rencontre » de toutes les personnes concernées par le boycott : les consommateurs, les éleveurs, les distributeurs, les employés de Danone. L’entreprise a mis en place une campagne de consultation qui a concerné pas moins de 100 000 personnes et pour laquelle Danone a employé tous les moyens dont elle disposait (une équipe de 50 collaborateurs déployés). Pour communiquer sur leur réaction et montrer que Danone avait enfin pris la mesure de la crise, Emmanuel Faber a enregistré une vidéo d’une minute très relayée. La communication de Danone a donc positionné l’entreprise comme étant à l’écoute de ses consommateurs et de leurs revendications et comme étant prête à travailler pour trouver une issue à cette crise. Contrairement aux autres entreprises empêtrées dans le boycott, Danone a pris en considération ses clients.  

Après les messages, des actes permettant la sortie de crise.

Les résultats de cette consultation en main, Danone a appliqué des baisses de prix conséquentes, lancé un produit économique à destination des classes moyennes et si les ventes ne sont pas revenues au niveau d’avant le boycott, l’entreprise, elle, est revenue à l’équilibre. Même si Danone reste leader du marché des produits laitiers au Maroc, le lien entre la marque et ses consommateurs est sinon à reconstruire, du moins très fragilisé par cette crise. Elle s’est appuyée sur un capital sympathie important auprès de ses consommateurs.









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