Une croissance française en hausse, mais avec des pieds d'argile



Aurélien Delacroix
31/07/2024

L'économie française a enregistré une croissance de 0,3 % au deuxième trimestre de 2024, un chiffre qui atteint le haut de la fourchette des prévisions, selon l'Insee.


Une consommation des ménages toujours prudente

Cette progression, bien que modeste, s'inscrit dans une tendance positive avec une révision à la hausse des trimestres précédents : +0,4 % au quatrième trimestre 2023 et +0,3 % au premier trimestre 2024. Au total, la croissance cumulée atteint déjà 1 % pour l'année, ce qui laisse présager que l'objectif de 1,1 % de Bercy pour 2024 sera facilement atteint.

Cependant, cette croissance est marquée par un paradoxe notable. Alors que l'accalmie de l'inflation laissait espérer une reprise de la consommation des ménages, les Français continuent de se montrer prudents dans leurs dépenses. Les achats alimentaires, particulièrement touchés, ont encore reculé de 1,6 % au deuxième trimestre, cumulant une baisse de près de 7 % en deux ans. 

Selon Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture à l’Insee, « on a l’impression que les ménages n’ont pas encore intégré le fait qu’il n’y avait plus d’inflation sur les produits alimentaires. Le jugement qu’ils portent sur l’évolution des prix est que celle-ci reste élevée ».

Les moteurs de la croissance et les incertitudes politiques

Cette prudence s'explique en partie par un « effet retard » dans la perception de la stabilisation des prix, mais aussi par des comportements de consommation plus économes, comme le changement de gamme de produits ou la réduction des achats de biens coûteux. Les achats de biens manufacturés n'ont augmenté que de 0,6 %, principalement grâce à la reprise des ventes d'automobiles, tandis que les dépenses en services tels que les transports et la restauration ont progressé de 0,5 %, maintenant la consommation globale à un niveau stable.

Le commerce extérieur a également joué un rôle crucial en soutenant l'activité économique avec une contribution de 0,2 % au PIB grâce à la dynamique des exportations (+0,6 %). La livraison d'un nouveau navire et les ventes dans le secteur aéronautique ont particulièrement contribué à cette performance. Cependant, l'investissement résidentiel reste une ombre au tableau, continuant de chuter de 0,5 % en raison des taux d'intérêt élevés, bien que l'investissement des entreprises et public ait montré des signes de reprise.

Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, s'est félicité de ces résultats, affirmant que « la France va surperformer pour la deuxième année consécutive ». Il reste toutefois prudent quant aux prévisions futures, en raison des incertitudes politiques liées à la dissolution récente de l'Assemblée nationale. 

La situation politique pourrait réduire la croissance de 0,1 à 0,2 point au troisième et au quatrième trimestre. La confiance des ménages et des entreprises reste fragile, et la poursuite de la détente des taux d'intérêt ainsi que la baisse continue de l'inflation seront essentielles pour soutenir la consommation et l'investissement.