Un objectif plus réaliste pour l'industrie en France



Aurélien Delacroix
03/04/2024

Il y a un an, le gouvernement lançait un ambitieux projet de loi pour augmenter la part de l'industrie dans le produit intérieur brut de la France de 10 % à 15 %, dans le but d'atteindre la moyenne européenne. Cependant, un rapport met en garde contre l'optimisme de ces objectifs, estimant qu'une balance commerciale manufacturière positive pour 2035 serait un objectif plus réaliste.


Un objectif ambitieux qui se heurte aux réalités du terrain

Olivier Lluansi, ancien délégué interministériel aux Territoires d'industrie, prépare un rapport sur l'avenir des politiques industrielles françaises. Il souligne plusieurs obstacles majeurs à cette ambition, notamment le manque d'énergie décarbonée et de main-d'œuvre nécessaire pour une telle croissance.

L'expert propose plutôt de viser une augmentation plus modeste, à 12 % ou 13 % du PIB, ce qui serait déjà une réussite en permettant de renverser la tendance actuelle de la balance commerciale manufacturière, déficitaire de 60 milliards d'euros. Ce scénario intermédiaire pourrait générer 50.000 emplois industriels supplémentaires par an, améliorant significativement le rythme actuel de création d'emplois dans le secteur.

La réindustrialisation de la France fait face à un double enjeu : rendre le secteur plus attractif et le rendre compétitif sur le marché européen. L'industrie française peine à recruter, en partie à cause d'une image dépassée et d'un modèle de management peu en phase avec les aspirations des nouvelles générations. Olivier Lluansi suggère un effort de communication pour améliorer l'image de l'industrie ainsi qu'une évolution des pratiques managériales pour attirer davantage de talents.

Enjeux de compétitivité et d'attractivité pour l'industrie

De plus, l'expert critique le programme actuel de réindustrialisation, notamment le plan France 2030, qu'il juge insuffisant pour atteindre les objectifs fixés. Il appelle à un soutien accru des PME et entreprises de tailles intermédiaires, s'inspirant du modèle allemand du « Mittelstand », pour densifier le tissu industriel traditionnel. 

Olivier Lluansi estime que la réalisation de cet objectif nécessiterait un investissement supplémentaire de 200 milliards d'euros sur dix ans, un montant qu'il considère comme réalisable grâce à l'épargne des ménages français, à condition de mettre en place des incitations fiscales ou réglementaires adéquates.

L'un des défis majeurs pour l'industrie française reste sa compétitivité, notamment face au renchérissement de l'énergie. Lluansi préconise l'adoption de mesures équitables pour les produits importés et fabriqués localement, favorisant les efforts des entreprises en matière d'économie circulaire et de sobriété énergétique. Il critique cependant l'approche actuelle de l'administration européenne, notamment le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qu'il juge contre-productif pour les entreprises françaises.