Pourquoi Pascal Canfin ne croit plus les banques



La Rédaction
26/11/2012

La nécessité de régulariser la finance mondiale ne fait aujourd'hui plus aucun doute, pourtant les mesures prises à cet effet peinent à être appliquées. La puissance des lobbies et la faible volonté politique sont les principaux freins au changement selon Pascal Canfin. Ce dernier a récemment publié un ouvrage proposant des mesures concrètes et réalisables dans ce contexte de « démocratie financière ».


Les lobbies et leurs arguments simplistes

Pascal Canfin, ministre délégué au développement depuis le 17 mai 2012 est aussi député vert au parlement européen. Il y siège depuis 2009, et en a tiré une expérience notable dans la négociation de nouvelles lois avec les lobbies. De cette expérience, est né son livre : « Ce que les banques vous disent et pourquoi il ne faut presque jamais les croire ». Il exprime dans son ouvrage, le constat que les lois visant à réglementer la finance, bien qu'étant nombreuses, peinent à être appliquées. C'est un combat de tous les jours qui se heurte à des arguments lobbyistes. Des arguments simplistes, mais suffisamment puissants pour que la communauté politique reste dans l'inaction. D'autre part, Pascal Canfin constate que les politiciens ne sont pas prêts à faire évoluer les questions liées à la finance. Il reprend dans son ouvrage, les arguments avancés par les lobbyistes et les décrédibilise par une analyse approfondie. En effet, face à des arguments tels que « s'il y a trop de réglementation, les banques s'installeront dans d'autres pays », ou « les banques n'ont rien coûté au contribuable », il n'est pas difficile de trouver des failles. Pascal Canfin prend ainsi l'exemple de la société générale qui prétend ne rien avoir coûté au contribuable français, et confirme la véracité de cet argument en soulignant que c'est le contribuable américain qui a payé la note. Détenant beaucoup de titres d'assurance auprès d'assureurs américains, la société générale a été dédommagée par ces mêmes assureurs lorsqu'ils ont été soutenus par l'état américain. Indirectement ce sont donc les contribuables américains qui ont payés. Cette analyse fait voler en éclat les arguments des lobbyistes, mais ce type de réflexion fait défaut au niveau politique.

La politique financière aux mains des lobbyistes

Comme nous venons de le voir à travers l'exemple de la société généraleforce est de constater, après analyse,  que les arguments des lobbyistes ne sont pas aussi solides qu’ils n’y paraissent. Cependant, en dépit des conséquences liées à leurs agissements, les institutions financières ne rencontrent pas de résistance au niveau politique. Il en résulte des prises de décisions qui ne se font pas dans l'impartialité. Les lobbies ont donc une influence de premier ordre qui outre passe leur légitimité. Pascal Canfin rappelle donc qu'elle devrait être la place des lobbies dans la communauté politique. Cette place est celle d'un porte-parole qui apporte dans les débats politiques, un point de vue externe. Ici, celui du banquier. Recadrés ainsi, les lobbies avec les millions qu’ils dépensent pour faire valoir leurs points de vue devraient avoir des arguments clairs et solides qui permettraient des prises de décisions logiques, et facilement applicables. Pourtant, ce n'est pas le cas. L'opacité et la pression d'arguments simplistes pour ne pas dire menaçants, et ce, au nom d'une transparence trop complexe à appliquer, sont des éléments apparemment suffisants aux yeux des politiques. En d‘autres termes, la politique financière de l’état est aux mains des lobbies, et les politiciens leur ont laissé le champ libre. Les dérives spéculatives qui nous ont entrainés dans la crise sont donc autant de la responsabilité des banques que des politiques. Dans ce contexte, c’est le dialogue entre les deux qui pourrait apporter des solutions, mais aussi une plus grande transparence avec le public. Ce dernier pourrait apporter sa contribution en agissant différemment vis-à-vis des banques. Faudrait-il encore que le public soit informé.

S'emparer de la finance

Pascal Canfin ne se livre pas dans son ouvrage, à un autre exposé technique de la finance, mais s'adresse à un public large. Et pour cause, le citoyen est l'un des facteurs importants qui permettraient l'enrayement des dérives de la finance. En effet, le citoyen, en connaissance de cause, pourrait modifier son comportement et ses choix vis-à-vis des banques. Ces dernières se retrouveraient contraintes à afficher plus de transparence pour attirer des clients. Le fait est que la clientèle des banques n’est en réalité, pas informée sur l’utilisation de l’argent qu’elle y dépose. Il faut donc inciter le citoyen à s'emparer de la question de la finance, car ses revendications auraient un impact significatif sur les prises de décision politiques, désenclavant ainsi l’inaction des politiciens face aux arguments des lobbies. Mais la fracture communicationnelle ne se trouve pas uniquement entre la société, les institutions financières et le citoyen. Il s’avère qu'au sein même de la finance, il existe des aberrations. L'utilisation des mathématiques financières comme outils de prédiction en est un exemple, dont le mathématicien Nicolas Bouleau a démontré les limites par le manque d'enseignement dans la pratique. La finance est ainsi d'autant plus irresponsable qu'elle utilise des outils qu'elle ne maitrise pas. Ce qui est une autre raison de l’opacité qui règne dans le milieu. La question de la régulation converge ainsi vers un problème d’éthique personnelle dans les démarches politiques.

Comment faire de la politique financière dans la transparence ?

À travers son livre Pascal Canfin expose le point de vue interne d'un parlementaire, et illustre par sa démarche, les possibilités d'accéder à une politique à la foi constructive et transparente. Loin des projets de loi dont l'application est irréalisable, Pascal Canfin fait des propositions de réformes en tenant justement compte, de la capacité de ces dernières à être applicable au niveau européen : un autre point clé nécessaire à la régulation. Et c'est là qu'intervient la responsabilité éthique. L'auteur prend l'exemple de la banque centrale européenne, dont beaucoup reprochent l'incapacité de prêter directement aux états. Alors qu'il faudrait des textes de loi à n'en plus finir, et des luttes acharnées pour abroger cette interdiction de prêter directement aux états, il suffirait d'une approche plus éthique et transparente de la part de toutes les parties prenantes, pour insuffler la volonté d'utiliser un autre levier : le rachat des dettes par la BCE. En effet, elle en a le pouvoir, et user de cette possibilité conférerait aux organismes publics, un contre-pouvoir puissant face aux lobbies.