Les « super-héritages », une opportunité fiscale manquée pour la France



Anton Kunin
17/09/2024

En France, les « super-héritages », concentrés entre les mains du top 0,1% des héritiers, ne sont taxés qu’à hauteur de 10%. Oxfam alerte sur les pertes fiscales colossales que cette situation génère pour l’État, estimées à 160 milliards d’euros sur les 30 prochaines années. Face à cette inégalité, l’ONG appelle à une réforme en profondeur du système fiscal.


Les niches fiscales, une brèche dans le système

Le système fiscal français offre de nombreuses opportunités d'exonération pour les « super-héritages ». Bien que le taux marginal sur les successions importantes soit de 45%, les plus riches ne payent en réalité que 10% en moyenne, dénonce l’ONG Oxfam dans un nouveau rapport. Cette situation résulte des niches fiscales, dont le Pacte Dutreil est un exemple emblématique. Ce dispositif permet d'exonérer jusqu'à 75% de la transmission des parts d'entreprises, ce qui représente pour l’État une perte de 3 milliards d’euros par an, bien au-delà des 500 millions officiellement estimés par les autorités.

Les conséquences de ces exonérations sont particulièrement lourdes pour les finances publiques. Oxfam a calculé que les 25 milliardaires français de plus de 70 ans transmettront 460 milliards d’euros d’ici les 30 prochaines années. Sans réforme, cela priverait l’État de 160 milliards d’euros en raison des niches fiscales. Ces pertes pourraient, par exemple, financer une année d’études supérieures pour chaque Français majeur, soit près de 7.000 euros par étudiant.

Le système fiscal actuel perpétue la concentration des richesses et empêche la redistribution

Le système de taxation actuel ne prend pas en compte la diversité des modèles familiaux ni les inégalités de patrimoine. En effet, les transmissions entre parents et enfants sont bien moins taxées que celles provenant d’un oncle ou d’une tante. Les héritages indirects (sans lien de filiation) supportent des taux de 55%, contre seulement 5% pour les transmissions en ligne directe avec un abattement de 100.000 euros. Paradoxalement, ces petites transmissions, qui représentent moins de 10% du patrimoine transmis, génèrent 50% des droits de succession.

Les parents fortunés peuvent, eux, transmettre jusqu'à 500.000 euros à leurs enfants tous les 15 ans sans payer d’impôt. Cette pratique, qui ne concerne qu’une minorité, se fait au détriment de 80% des Français qui n'ont jamais bénéficié de donations. Les super-héritiers, quant à eux, reçoivent en moyenne 13 millions d’euros, soit 180 fois l’héritage médian. Dans ces conditions, 60% des Français sont favorables à une taxation plus élevée des plus gros héritages, soulignant le besoin de réformer ce système inéquitable.

Une réforme nécessaire pour l’avenir fiscal et écologique

Oxfam plaide pour une réforme en profondeur du système de taxation des successions. Parmi ses recommandations figure la suppression des niches fiscales injustifiables, telles que le Pacte Dutreil et l'assurance-vie, tout en mettant en place un barème unique et progressif. Une fiscalité plus transparente permettrait non seulement de rétablir une justice sociale, mais également de répondre aux enjeux climatiques.