Ce constat serait banal s’il ne mettait en péril l’avenir, parfois proche, des organisations et des sociétés. Que chacun en souffre, c’est une évidence. Que les conséquences de cette indécision et de cette absence de sens aient un impact sur les organisations, c’est plus incongru. Attribuer les causes de la crise actuelle, ou tout au moins une partie, à ce facteur de pilotage à court-terme et sans vision pourrait paraître choquant si certains groupes de rang international ou des dirigeants de PME ne déclaraient pas régulièrement que leur horizon stratégique se limite aux quelques mois à venir.
Pourtant, c’est ce que cherche à démontrer deux auteurs, dans un essai audacieux écrit en 2012 et intitulé « le vide stratégique ». Ils s’interrogent sur les causes de l’absence d’anticipation et de réactions conçues dans l’improvisation dont certains grands groupes comme parfois des Etats se rendent capables dans la crise actuelle. Ils expliquent, exemples à l’appui, comment la dilution de la notion de sens et de mobilisation des énergies égare les grandes entreprises dans des logiques plus spectaculaires qu’efficaces. Ils montrent comment, au final, les « faits stratégiques » échappent aujourd’hui aux décideurs industriels, voire, politiques. La dictature de l’immédiateté prend le pas sur l’analyse stratégique. Personne ne paraît capable de dire à quoi ressemblera demain, les stratèges ou prétendus tels se limitant à recenser les risques et les menaces sans proposer les options et opportunités possibles. Pour combler ce vide stratégique, les auteurs plaident pour un renouveau de l’imagination stratégique qui passe par le refus des routines et l’acceptation assumée de l’inattendu.
Il n’est pas nécessaire de s’appeler Steve Jobs pour se montrer capable de cultiver quelques règles simples qui apportent du sens, en particulier en entreprise. Si Apple a su dans le passé et continue, malgré la disparition de son dirigeant charismatique, à afficher une réussite presque insolente, c’est parce que l’entreprise à la pomme se montre toujours capable de revenir à ces règles simples : s’extraire du quotidien, retrouver le sens du temps et des cycles, conserver ou renforcer son identité dans un système de valeurs partagées et pratiquées, sortir des clichés et autres idées convenues pour s’ouvrir à de nouvelles perspectives. Au-delà des seuls registres quantitatifs ou statistiques, il s’agit pour les organisations et les entreprises qui cherchent à surmonter les mutations profondes de la crise actuelle, de rétablir cette capacité à donner du sens. Seule cette approche permet aux organisations et aux hommes qui la composent de se réapproprier les vertus du temps longs, de ne plus subir la tyrannie de l’urgence et des coups sans lendemain qui épuisent et ne font guère avancer. Refaire ce que l’on sait faire est toujours plus tentant que de chercher à innover et ouvrir d’autres pistes. Evacuer la recherche de sens au profit du tactique revient à abdiquer devant l’incertitude et vouer un culte exagéré au calcul quantitatif.
Pourtant, chacun reconnaît que cette absence de profondeur et de sens nourrit la crise tout autant qu’elle en est issue. Certaines entreprises prouvent par l’expérience qu’une stratégie imprégnée de sens peut donner des clés de réussite sur le long terme. Elle rend aussi d’autant plus apte à réagir face à l’imprévu. Le « Think different » d’Apple renvoie bien à cette vision partagée à laquelle toute l’entreprise peut adhérer, vision qui engage mais aussi vision qui renforce la capacité d’adaptation.
Dans un tout autre domaine, chacun se souvient, lors des derniers Jeux Olympiques de Londres, qu’à moins d’un mois de l’ouverture, il fallut faire appel aux armées pour palier les carences du prestataire de sécurité. Dans l’éventualité d’une attaque terroriste sur une capitale sur-fréquentée et donc vulnérable, cette décision s’imposait alors qu’elle n’allait pas de soi. Elle échappait surtout à toutes les orientations établies lors de la planification amont. Cette décision fut d’autant plus incongrue que certains des militaires alors déployés dans Londres venaient de rentrer de missions difficiles en Afghanistan, une préparation pour le moins peu adaptée au maintien de la sécurité lors d’une des plus grandes célébrations de la planète. Et pourtant, ce fut un succès : visiteurs comme londoniens saluèrent le professionnalisme des forces armées, leur sens de l’humour et leur humanité.
Le premier enseignement est qu’une bonne entreprise doit être capable de s’adapter rapidement. Le second, c’est qu’en faisant preuve d’autant d’agilité, cette entreprise contribue à susciter un sentiment de professionnalisme dans ses rangs, ce qui lui confère une légitimité quasi instantanée, aussi bien auprès de ses clients (ou des populations) que de ses employés. A Londres, les militaires britanniques ont démontré qu’être en mesure d’apporter des solutions inattendues à des problèmes circonstanciels était un atout majeur. Dans une structure comme une armée où le sens de l’engagement constitue une raison d’être, les militaires britanniques ont fait preuve d’une adaptabilité exemplaire. Cette situation démontre que la créativité peut surgir de cette conjugaison heureuse entre sens et réactivité.
Plus près de nous, le cas de l’entreprise Cofely Ineo pourrait être révélateur de la place que le sens de l’engagement pourrait prendre dans les grandes organisations. Centrée sur des métiers et des activités de hautes technologies –le génie électrique et les systèmes d’information- répartis dans plusieurs centaines de centres de profit, Cofely Ineo, à travers l’engagement résolu de son PDG Guy Lacroix, a réussi à faire partager une vision à caractère sociétal par environ 15000 collaborateurs différents. Comme il le souligne, «la vitesse est stratégique, mais il n’existe pas de possibilité de réussite sans le respect de nos engagements de performance, sans le respect de la sécurité au travail, sans la plus grande attention aux hommes et aux femmes, attention soutenue pour le développement de leurs compétences et de leurs capacités, mais aussi pour la qualité de leur adhésion et de leur moral.»
En osant, à une telle échelle, cette démarche exigeante, Guy Lacroix a sans doute réussi à mobiliser les ressorts les plus profonds de la nature humaine qui sont ceux d’avoir la conviction de participer à une « aventure collective » et partagée. « La confiance que nous faisons vivre dans notre entreprise est le moteur de notre réussite ainsi que notre première fierté.» En quelques mots simples, comme sa stratégie pourrait-on dire, Guy Lacroix résume l’importance du facteur confiance dans le socle des valeurs de l’entreprise. Bien des grands patrons, voire, des dirigeants politiques, seraient avisés de s’en inspirer.
Pourtant, c’est ce que cherche à démontrer deux auteurs, dans un essai audacieux écrit en 2012 et intitulé « le vide stratégique ». Ils s’interrogent sur les causes de l’absence d’anticipation et de réactions conçues dans l’improvisation dont certains grands groupes comme parfois des Etats se rendent capables dans la crise actuelle. Ils expliquent, exemples à l’appui, comment la dilution de la notion de sens et de mobilisation des énergies égare les grandes entreprises dans des logiques plus spectaculaires qu’efficaces. Ils montrent comment, au final, les « faits stratégiques » échappent aujourd’hui aux décideurs industriels, voire, politiques. La dictature de l’immédiateté prend le pas sur l’analyse stratégique. Personne ne paraît capable de dire à quoi ressemblera demain, les stratèges ou prétendus tels se limitant à recenser les risques et les menaces sans proposer les options et opportunités possibles. Pour combler ce vide stratégique, les auteurs plaident pour un renouveau de l’imagination stratégique qui passe par le refus des routines et l’acceptation assumée de l’inattendu.
Il n’est pas nécessaire de s’appeler Steve Jobs pour se montrer capable de cultiver quelques règles simples qui apportent du sens, en particulier en entreprise. Si Apple a su dans le passé et continue, malgré la disparition de son dirigeant charismatique, à afficher une réussite presque insolente, c’est parce que l’entreprise à la pomme se montre toujours capable de revenir à ces règles simples : s’extraire du quotidien, retrouver le sens du temps et des cycles, conserver ou renforcer son identité dans un système de valeurs partagées et pratiquées, sortir des clichés et autres idées convenues pour s’ouvrir à de nouvelles perspectives. Au-delà des seuls registres quantitatifs ou statistiques, il s’agit pour les organisations et les entreprises qui cherchent à surmonter les mutations profondes de la crise actuelle, de rétablir cette capacité à donner du sens. Seule cette approche permet aux organisations et aux hommes qui la composent de se réapproprier les vertus du temps longs, de ne plus subir la tyrannie de l’urgence et des coups sans lendemain qui épuisent et ne font guère avancer. Refaire ce que l’on sait faire est toujours plus tentant que de chercher à innover et ouvrir d’autres pistes. Evacuer la recherche de sens au profit du tactique revient à abdiquer devant l’incertitude et vouer un culte exagéré au calcul quantitatif.
Pourtant, chacun reconnaît que cette absence de profondeur et de sens nourrit la crise tout autant qu’elle en est issue. Certaines entreprises prouvent par l’expérience qu’une stratégie imprégnée de sens peut donner des clés de réussite sur le long terme. Elle rend aussi d’autant plus apte à réagir face à l’imprévu. Le « Think different » d’Apple renvoie bien à cette vision partagée à laquelle toute l’entreprise peut adhérer, vision qui engage mais aussi vision qui renforce la capacité d’adaptation.
Dans un tout autre domaine, chacun se souvient, lors des derniers Jeux Olympiques de Londres, qu’à moins d’un mois de l’ouverture, il fallut faire appel aux armées pour palier les carences du prestataire de sécurité. Dans l’éventualité d’une attaque terroriste sur une capitale sur-fréquentée et donc vulnérable, cette décision s’imposait alors qu’elle n’allait pas de soi. Elle échappait surtout à toutes les orientations établies lors de la planification amont. Cette décision fut d’autant plus incongrue que certains des militaires alors déployés dans Londres venaient de rentrer de missions difficiles en Afghanistan, une préparation pour le moins peu adaptée au maintien de la sécurité lors d’une des plus grandes célébrations de la planète. Et pourtant, ce fut un succès : visiteurs comme londoniens saluèrent le professionnalisme des forces armées, leur sens de l’humour et leur humanité.
Le premier enseignement est qu’une bonne entreprise doit être capable de s’adapter rapidement. Le second, c’est qu’en faisant preuve d’autant d’agilité, cette entreprise contribue à susciter un sentiment de professionnalisme dans ses rangs, ce qui lui confère une légitimité quasi instantanée, aussi bien auprès de ses clients (ou des populations) que de ses employés. A Londres, les militaires britanniques ont démontré qu’être en mesure d’apporter des solutions inattendues à des problèmes circonstanciels était un atout majeur. Dans une structure comme une armée où le sens de l’engagement constitue une raison d’être, les militaires britanniques ont fait preuve d’une adaptabilité exemplaire. Cette situation démontre que la créativité peut surgir de cette conjugaison heureuse entre sens et réactivité.
Plus près de nous, le cas de l’entreprise Cofely Ineo pourrait être révélateur de la place que le sens de l’engagement pourrait prendre dans les grandes organisations. Centrée sur des métiers et des activités de hautes technologies –le génie électrique et les systèmes d’information- répartis dans plusieurs centaines de centres de profit, Cofely Ineo, à travers l’engagement résolu de son PDG Guy Lacroix, a réussi à faire partager une vision à caractère sociétal par environ 15000 collaborateurs différents. Comme il le souligne, «la vitesse est stratégique, mais il n’existe pas de possibilité de réussite sans le respect de nos engagements de performance, sans le respect de la sécurité au travail, sans la plus grande attention aux hommes et aux femmes, attention soutenue pour le développement de leurs compétences et de leurs capacités, mais aussi pour la qualité de leur adhésion et de leur moral.»
En osant, à une telle échelle, cette démarche exigeante, Guy Lacroix a sans doute réussi à mobiliser les ressorts les plus profonds de la nature humaine qui sont ceux d’avoir la conviction de participer à une « aventure collective » et partagée. « La confiance que nous faisons vivre dans notre entreprise est le moteur de notre réussite ainsi que notre première fierté.» En quelques mots simples, comme sa stratégie pourrait-on dire, Guy Lacroix résume l’importance du facteur confiance dans le socle des valeurs de l’entreprise. Bien des grands patrons, voire, des dirigeants politiques, seraient avisés de s’en inspirer.