Industrie : l’État doit améliorer son soutien selon la Cour des Comptes



Aurélien Lacroix
03/12/2024

Depuis une décennie, l’État a engagé des efforts substantiels pour soutenir l’industrie française, avec un budget qui a fortement augmenté pour atteindre plus de 26 milliards d’euros par an en 2021. Selon un rapport de la Cour des Comptes publié le 28 novembre 2024, cette hausse des aides représente un soutien sans précédent. Mais, malgré ces investissements, le bilan reste fragile. Si certaines grandes entreprises ont pu en tirer profit pour moderniser leurs équipements et leur production, de nombreuses autres entreprises, notamment les PME, ne bénéficient pas des mêmes retombées.


Industrie : des mesures ambitieuses mais insuffisantes pour rétablir une véritable compétitivité

Par ailleurs, selon la Cour des Comptes, les politiques publiques, bien qu’orientées vers la transition énergétique et la réindustrialisation de certains territoires, ne parviennent pas à corriger les inégalités territoriales. Certaines régions, historiquement industrielles, peinent à se reconvertir.

L'État français a mis en place plusieurs dispositifs pour relancer son industrie. Parmi eux, le Plan Industrie lancé en 2013 visait la modernisation des équipements industriels, avec une attention particulière portée à la robotisation, à la digitalisation des process de production et à la transition vers l’industrie du futur. De plus, des aides directes telles que les crédits d’impôt recherche (CIR) ont été renforcées pour soutenir l’innovation dans les secteurs industriels.

Un autre outil majeur identifié par la Cour des Comptes dans son rapport de novembre 2024 a été le programme d’investissements d’avenir (PIA), orienté vers des secteurs spécifiques comme l'automobile, la chimie et les énergies renouvelables. Le programme visait à injecter des fonds pour l’innovation et à soutenir la modernisation des infrastructures.

Cependant, les résultats restent contrastés. Si certains secteurs stratégiques, comme l’automobile ou les technologies numériques, ont pu bénéficier de ces soutiens, d’autres ont montré une évolution plus lente. En outre, la Cour des Comptes souligne une concentration des aides au profit des grandes entreprises, alors que les PME et les startups industrielles continuent de se heurter à des obstacles majeurs, notamment l’accès au financement et à l’innovation. Ainsi, le soutien public n’a pas permis de surmonter les profondes fractures qui existent entre les grandes entreprises, capables de se moderniser, et les plus petites, qui peinent à s’adapter.

Renforcer la résilience du secteur industriel : recommandations et pistes de réformes

Pour que l’industrie française puisse réellement se redresser et faire face à un monde de plus en plus concurrentiel, plusieurs axes de réforme sont nécessaires. La Cour des Comptes propose un certain nombre de recommandations pour renforcer la résilience industrielle et garantir une compétitivité durable.

1. Améliorer la coordination des politiques publiques et l’orientation des aides

L’un des principaux leviers pour améliorer l’efficacité du soutien public réside dans la coordination des différents dispositifs d’aide. La Cour des Comptes recommande de mieux cibler les aides pour qu’elles profitent réellement à l’ensemble du tissu industriel français, en particulier aux PME, souvent négligées dans les grands programmes de soutien. Il s'agit aussi de garantir une transparence accrue sur l’usage de ces fonds pour éviter les dérives et rendre ces politiques plus efficaces.

2. Accélérer la transition énergétique : un axe clé pour la compétitivité durable

La transition énergétique représente une dimension stratégique dans la politique industrielle. Si de nombreuses entreprises ont amorcé des démarches pour devenir plus écologiques, la vitesse de cette transformation reste insuffisante. Le soutien public devra donc se concentrer sur la décarbonation des industries les plus polluantes et la modernisation des infrastructures pour réduire la consommation d’énergie. De plus, l’État doit accompagner les entreprises dans la transition vers des technologies plus vertes comme l’électrification des processus industriels.

3. Repenser le soutien aux territoires industriels fragiles

Un autre aspect clé des réformes réside dans le soutien aux territoires fragilisés par la désindustrialisation. La réindustrialisation de ces zones nécessite des politiques adaptées à leur contexte local, intégrant des mesures d’accompagnement spécifiques, en particulier pour les secteurs en reconversion. Les programmes de relance devraient viser à diversifier les bassins industriels et à encourager la relocalisation des industries stratégiques, notamment dans les régions où le tissu économique a été particulièrement affaibli.

4. Favoriser l'innovation et l’indépendance stratégique dans un monde globalisé

Enfin, la Cour des Comptes insiste sur le besoin de renforcer l’innovation au sein des industries françaises. Le soutien public à la recherche et au développement, notamment dans des secteurs d’avenir comme l’intelligence artificielle, les biotechnologies, ou la transition numérique, doit être multiplié pour garantir à l’industrie une véritable indépendance stratégique. Il est aussi crucial de diversifier les sources d’approvisionnement pour éviter les vulnérabilités géopolitiques, en renforçant la compétitivité des entreprises françaises à l'échelle internationale.