Dans les secteurs hautement concurrentiels, une entreprise se doit d’avoir les reins solides pour survivre à certaines négociations internationales. L’export est fréquemment présenté comme le remède à tous les maux de l’économie, et comme la voie naturelle de toute entreprise quelque peu performante sur son marché. Mais c’est vite oublier les difficultés auxquelles s’exposent les représentants de filières très concurrentielles lorsqu’ils s’aventurent hors de leur pré carré.
De la compétence rare, à l’hyperconcurrence
En juillet 2012, Airbus annonçait sa décision d’ouvrir un site de production d’A320 à Mobile en Alabama. Un mouvement justifié par Fabrice Brégier, PDG d’Airbus, comme une réponse au renouvellement de flotte à venir des compagnies aériennes américaines. « Dans les prochaines années, toutes les compagnies américaines devront prendre une décision », affirmait-il, « notre investissement en Alabama sera très utile pour gagner […] être européen n’est pas un problème en soi, mais nous sommes face à un concurrent qui fait tout pour discréditer l’image d’Airbus ». Et cela n’a d’ailleurs pas manqué. Suite à cette annonce, Boeing s’est empressé de réagir en présentant Airbus comme une entreprise enfreignant « le droit commercial international », la fustigeant pour les « milliers d’emplois américains détruits par les aides illégales » qu’elle aurait perçu des « gouvernements européens ». On le voit ici : la position d’une entreprise sur son marché ne tient pas qu’à sa capacité à satisfaire la demande.
Lorsque la concurrence étrangère s’invite sur les plates-bandes d’un producteur, d’autres critères que la seule offre sont rapidement mis sur la table. Ces critères peuvent être réputationnels, juridiques, politiques et plus encore. D’une certaine manière, ils viennent biaiser la concurrence telle qu’elle est décrite dans les manuels d’économies. Les coups partent ainsi depuis toutes les directions, non sans légitimité parfois. En 2009, Philippe Mellier lui-même est par exemple monté au créneau pour dénoncer les entraves à l’entrée du marché chinois pour constructeurs ferroviaires européens. « Si le marché [chinois] se ferme aujourd’hui, nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée que les autres pays [européens] ouvrent leurs marchés à une telle technologie parce qu’il n’y a plus de réciprocité », avait alors déclaré le patron d’Alstom Transport. Le souci du dirigeant français était alors aussi de montrer sa détermination à faire en sorte que la Chine respecte ses engagements ; l’occurrence, ne pas tenter d’exporter sur le Vieux Continent un savoir-faire qui lui avait été légué plus tôt par des constructeurs tels qu’Alstom pour un usage sur son marché intérieur.
La maîtrise savoir-faire peu répandu sert fréquemment à justifier pourquoi une entreprise parvient à bénéficier d’une rente de situation. Mais les exemples précédents l’illustrent bien : les capacités techniques ne suffisent pas toujours à remporter un marché. Un avantage compétitif peut être dû au statut monopolistique ou oligopolistique d’une entreprise, au protectionnisme, ainsi qu’a bien d’autres conditions qui entravent la concurrence. En matière de négociation commerciale, cela signifie une chose : le produit ne suffit pas, il faut des hommes pour le défendre.
Lorsque la concurrence étrangère s’invite sur les plates-bandes d’un producteur, d’autres critères que la seule offre sont rapidement mis sur la table. Ces critères peuvent être réputationnels, juridiques, politiques et plus encore. D’une certaine manière, ils viennent biaiser la concurrence telle qu’elle est décrite dans les manuels d’économies. Les coups partent ainsi depuis toutes les directions, non sans légitimité parfois. En 2009, Philippe Mellier lui-même est par exemple monté au créneau pour dénoncer les entraves à l’entrée du marché chinois pour constructeurs ferroviaires européens. « Si le marché [chinois] se ferme aujourd’hui, nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée que les autres pays [européens] ouvrent leurs marchés à une telle technologie parce qu’il n’y a plus de réciprocité », avait alors déclaré le patron d’Alstom Transport. Le souci du dirigeant français était alors aussi de montrer sa détermination à faire en sorte que la Chine respecte ses engagements ; l’occurrence, ne pas tenter d’exporter sur le Vieux Continent un savoir-faire qui lui avait été légué plus tôt par des constructeurs tels qu’Alstom pour un usage sur son marché intérieur.
La maîtrise savoir-faire peu répandu sert fréquemment à justifier pourquoi une entreprise parvient à bénéficier d’une rente de situation. Mais les exemples précédents l’illustrent bien : les capacités techniques ne suffisent pas toujours à remporter un marché. Un avantage compétitif peut être dû au statut monopolistique ou oligopolistique d’une entreprise, au protectionnisme, ainsi qu’a bien d’autres conditions qui entravent la concurrence. En matière de négociation commerciale, cela signifie une chose : le produit ne suffit pas, il faut des hommes pour le défendre.
Le vrai rôle du chef d’entreprise à l’international
En outre, chercher à vendre ne suffit parfois pas. Se préserver de l’hégémonie d'opérateurs étrangers fait partie des enjeux classiques de la négociation commerciale internationale. Ainsi Arnaud Nourry, PDG d’Hachette, bataille fermement contre le géant américain Amazon qui entend imposer des prix bas à l’ensemble de la filière du livre numérique. Sa crainte : voir les libraires « s'aligner sur des ventes à perte » ainsi qu’il l’explique aux Echos. S’il n’entend pas courber l’échine c’est parce qu’Hachette a été parmi « les premiers à [se] lancer dans le numérique avec Sony et la Fnac, sur la base précisément d'un contrat d'agent ». Ce contrat « permet à l'éditeur de fixer le prix de vente, et le détaillant se rémunère grâce à une commission », explique Arnaud Nourry.
Et quand les pourparlers ne suffisent plus, la bataille commerciale se poursuit devant les tribunaux et tourne à la bataille juridique. Depuis des années, l’américain Apple et le sud-coréen Samsung s’accusent mutuellement de copie et de violation de brevets. Une stratégie commentée par Jonathan Schwartz, ex-PDG de Sun Microsystems (cité par Fabrice Frossard) qui explique sur son blog comment les figures de la Silicon Valley utilisent les brevets et la propriété intellectuelle pour réguler leur marché en paralysant la concurrence, ou amoindrissant sa capacité d’exploiter librement telle ou telle technologie déposée. Si les procédures judiciaires n’aboutissent pas toujours, elles ont ainsi l’avantage de bloquer la mise en vente des produits similaires, mais concurrents dans les pays où elles sont lancées. Les enjeux de telles manœuvres sont presque toujours considérables. Par exemple, Samsung a obtenu au cours de l’été 2013 de la Commission du commerce international l’interdiction pour Apple d’importer aux États-Unis les produits de son catalogue dont il a été reconnu qu’ils violaient les brevets du fabricant coréen. Attaqué sur son propre marché, Apple a répondu de la même façon quelques semaines plus tard.
À l’international, les échanges de coups entre concurrents ont tôt fait de transformer les relations d’affaires en partie d’échecs. La fibre stratégique du décideur y est donc particulièrement mise à l’épreuve. Quand une entreprise part à l’assaut d’un nouveau marché, ses concurrents ne la connaissent pas. Ils n’ont pas d’obligations particulières à son égard et encore moins de sympathie pour ses intérêts. Dans l’espace transfrontalier, la compétition du marché tourne donc facilement à l’affrontement. Un constat exacerbé à l’ère de la mondialisation qui n’est pas sans contredire l’idée que plus d’ouverture ferait reculer le mercantilisme. Et dans un tel contexte, les dirigeants d’entreprises occupent la place du stratège dont la mission est bien sûr de défendre les intérêts de leur organisation.
Et quand les pourparlers ne suffisent plus, la bataille commerciale se poursuit devant les tribunaux et tourne à la bataille juridique. Depuis des années, l’américain Apple et le sud-coréen Samsung s’accusent mutuellement de copie et de violation de brevets. Une stratégie commentée par Jonathan Schwartz, ex-PDG de Sun Microsystems (cité par Fabrice Frossard) qui explique sur son blog comment les figures de la Silicon Valley utilisent les brevets et la propriété intellectuelle pour réguler leur marché en paralysant la concurrence, ou amoindrissant sa capacité d’exploiter librement telle ou telle technologie déposée. Si les procédures judiciaires n’aboutissent pas toujours, elles ont ainsi l’avantage de bloquer la mise en vente des produits similaires, mais concurrents dans les pays où elles sont lancées. Les enjeux de telles manœuvres sont presque toujours considérables. Par exemple, Samsung a obtenu au cours de l’été 2013 de la Commission du commerce international l’interdiction pour Apple d’importer aux États-Unis les produits de son catalogue dont il a été reconnu qu’ils violaient les brevets du fabricant coréen. Attaqué sur son propre marché, Apple a répondu de la même façon quelques semaines plus tard.
À l’international, les échanges de coups entre concurrents ont tôt fait de transformer les relations d’affaires en partie d’échecs. La fibre stratégique du décideur y est donc particulièrement mise à l’épreuve. Quand une entreprise part à l’assaut d’un nouveau marché, ses concurrents ne la connaissent pas. Ils n’ont pas d’obligations particulières à son égard et encore moins de sympathie pour ses intérêts. Dans l’espace transfrontalier, la compétition du marché tourne donc facilement à l’affrontement. Un constat exacerbé à l’ère de la mondialisation qui n’est pas sans contredire l’idée que plus d’ouverture ferait reculer le mercantilisme. Et dans un tel contexte, les dirigeants d’entreprises occupent la place du stratège dont la mission est bien sûr de défendre les intérêts de leur organisation.