23,7 milliards d’euros pour Flamanville : la Cour des comptes épingle les coûts du nucléaire



Aurélien Delacroix
15/01/2025

La filière nucléaire française confrontée à des dépassements budgétaires majeurs et des incertitudes stratégiques. Le rapport de la Cour des comptes met en lumière les enjeux financiers et industriels de la construction des réacteurs EPR 2.


L'addition du nucléaire explose

La Cour des comptes a publié un rapport alarmant sur l’état de la filière nucléaire française, avec en ligne de mire deux sujets majeurs : les coûts exorbitants du chantier de l’EPR de Flamanville et les incertitudes autour du programme des réacteurs EPR 2.

Initialement budgété à 3,3 milliards d’euros en 2007, le chantier de Flamanville 3 atteint aujourd’hui 23,7 milliards d’euros, soit un dépassement colossal. Ce montant inclut notamment les coûts liés à l’allongement du chantier, la préparation de la mise en service, et le remplacement du couvercle de la cuve, exigé par l’Autorité de sûreté nucléaire. La rentabilité de Flamanville 3 pose également problème : pour atteindre un retour sur investissement de 4 %, le mégawattheure devrait être vendu à 122 euros, bien au-delà des 70 euros fixés par l’accord entre EDF et l’État en 2023.

Quant aux six réacteurs EPR 2, le coût global de construction a été réévalué à 79,9 milliards d’euros, soit une hausse de 30 % par rapport aux estimations initiales. Les deux premiers réacteurs, prévus à Penly, concentreraient à eux seuls une enveloppe de 23,6 milliards d’euros. EDF mise sur la standardisation et l’expérience acquise pour réduire les coûts des installations suivantes à Gravelines et Bugey. Cependant, la Cour s’inquiète des retards dans la conception et l’absence d’un financement sécurisé.

Retards et risques industriels

La Cour des comptes alerte également sur les conséquences des délais répétés. L’absence de décisions finales freine les engagements des sous-traitants et affaiblit le tissu industriel français. Ces incertitudes compromettent la formation des techniciens et ingénieurs indispensables à la réussite du programme.

Luc Rémont, PDG d’EDF, partage le constat de prudence de la Cour, tout en soulignant l’importance des projets internationaux pour assurer la compétitivité de la filière. Cependant, la Cour recommande de conditionner tout engagement à l’export à une évaluation précise des risques et des bénéfices. À titre d’exemple, elle suggère de retarder le projet Sizewell C au Royaume-Uni tant qu’EDF n’aura pas réduit son exposition financière sur Hinkley Point C, un chantier dont les coûts atteignent déjà 31 à 34 milliards de livres.

Face à ces défis, la Cour insiste sur la nécessité d’une vision claire et d’une gestion rigoureuse. La France doit concilier ambitions industrielles et faisabilité économique, sans quoi le programme nucléaire pourrait s’effondrer sous le poids de ses coûts et de ses retards. La balle est désormais dans le camp de l’État et d’EDF pour redonner à la filière l’élan nécessaire à son avenir.